Le rapport des révolutionnaires de 1789 à l’histoire est complexe ; il leur faut s’approprier une science humaine dont la monarchie française a fait son apanage, composer avec le mythe des origines auquel renvoient leurs volontés régénératrices, et ce dans le moment même où ils ont conscience d’écrire par leurs actes l’Histoire contemporaine, de la mettre en scène, de créer de nouveaux héros. Babeuf, en Juillet 1789, voit dans le passé les sources de la violence populaire : « Les maitre, au lieu de nos policier, nous ont rendu barbares parce qu’ils le sont eux-mêmes ». Robespierre, le 8 Thermidor (le 11ème mois du calendrier révolutionnaire français), avec l’assurance de l’immortalité, offre sa vie à ses ennemis : « Oh ! Je la leur abandonnerai sans regret, j’ai l’expérience du passé et je vois l’avenir ». Entre ces deux temps, le passé et le futur, l’ancien et le nouveau régime, pour certains l’Histoire et le Jugement dernier, quelle place réserver à un présent qui résiste ? Je pose comme credo centrale des « Hommes de la Révolution » que la Révolution n’a pas d’âge ; que chaque génération peur à bon droit se dire la première ; qu’eux-mêmes sont des « enfants sans mères », selon l’épigraphe de L’Esprit des lois, ce que Bruke traduira sarcastiquement par « les mouches d’un seul été » ; qu’ils sont en mesure de construire délibérément et intégralement l’ordre social et politique ; qu’à cette construction ne peut servir rien qui appartienne au passé. L’Histoire ne fournit ni précèdent ni appui, la durée n’a rien à dire sur la valeur. Sans doute la lecture de Locke peut-elle inspirer une telle attitude. Dans ses deux traités de gouvernement (1690), n’affirme t-il pas que la dissolution de la souveraineté laisse le sujet redevenir homme, libre de sa volonté particulière, membre de la société mais d’aucun corps politique, en droit de recommencer son Histoire : « La révolution plus encore qu’en la disparition de la puissance souveraine, consiste en cette instauration qui la suit … . La notion d’une histoire à construire en cas de dissolution de la souveraineté, histoire à construire dans le vide du pouvoir, la décomposition du processus historique, le décentrement imposé à la causalité révolutionnaire conduisaient la réflexion sur le devenir historique à s’attacher aux mécanismes d’altération et de dissolution de la puissance souveraine, causes premières de la révolution nécessaires » note Jean Marie Goulemot.
mardi 10 mai 2011
Le passé, Le présent, L'avenir
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