Dans la Tunisie postrévolutionnaire, et malgré une accessibilité culturelle encore problématique pour le grand public, la question des musées reste un sujet d’une grande actualité. Les médias portent une attention croissante à la question muséale en se référant notamment au thème du patrimoine et sa relation aux publics, et plusieurs départements universitaires préparent une intégration des approches muséologiques dans leurs cursus. Les institutions concernées (surtout l’Institut Nationale du Patrimoine et derrière elle le Ministère de la culture et du sauvegarde du patrimoine et le ministère du tourisme) réfléchissent actuellement à la définition d’un statut juridique pour le musée, presque inexistant dans le Code du Patrimoine de 1994. Notons qu’une meilleure interprétation du patrimoine, consiste précisément l’une des priorités du projet de la Banque Internationale de Reconstruction et de Développement (BIRD) pour la gestion et la valorisation du tourisme culturel.
Les échanges sur l’expérience muséographique révèlent une forte dichotomie entre le nord et le sud de la Méditerranée. Cette même dichotomie s’exprime entre les types de musées considérés : le Louvre, construit à l’origine pour le « peuple souverain », et qui accueillie désormais 74% d’étrangers autours de ses collections internationales ; les musées canadiens, de tradition plus contemporaine, et soucieux d’instaurer une médiation (basée sur l’interactivité) avec le publics, qu’ils soient nationaux ou internationaux , le Bardo, fondé à l’origine par une initiative avant-gardiste du ministre réformateur Kheireddine Pacha pour abriter des collections d’Antiquité, pose aujourd’hui la question de sa participation dans le développement de la culture et le tourisme touristique.
En France et au Canada, la connaissance des publics est un « champ » dit de « médiation » très récent, caractérisé par la professionnalisation du contact avec le public (chaque musée détient un « service » du public). La question du public au Louvre, où tout est fait pour accompagner et pour « servir » le visiteur, y est une préoccupation primordiale incorporée dans sa muséographie. Le musée y fonctionne comme un observatoire permanent des publics, et les études produites (de prospectives, d’audiences, d’évaluations et de réceptions, mesure de la satisfaction et du ressenti) en sont le « baromètre ». De plus, une forme éducative et culturelle est élaborée au sein même des musées des pays du nord (notamment le Canada), qui proposent aux visiteurs un mode d’emploi de leur visite avant l’accès même aux collections, à la scénographie dans un cadre d’animation. En ce qui concerne la Tunisie, la question des publics n’y est pas prioritaire, et d’autre préoccupation émergent notamment :
- - La « fracture juridique » marquant l’inexistence des textes de fondations des musées ainsi que de statuts juridiques de leurs actions. Puis le manque de cahier de charges des compétences de leurs cadres. Les conservateurs n’y sont pas des acteurs culturels, ils n’ont pas de moyens institutionnels et n’ont pas reçu la formation adéquate en muséographie.
- - L’insuffisant intéressant des institutions locales et des municipalités. Avoir un musée est une preuve d’existence locale, dans la mesure où en présentant ses activités et son patrimoine, la population contribue à produire une image de marque de sa région, qui peut aider au développement du tourisme culturel.
- - Une muséographie construite sur l’exposition des savoir-faire et de la technicité sans pour autant mettre en valeur les aspects sociologique et ethnographique. Dans ce contexte, le musée apparait comme un lieu de sauvegarde des arts et d’un patrimoine qui est parfois encore vivant.
En effet, la grande question reste toujours la même : Comment abolir la distance avec le musée ? Comment se produit le fameux « choc esthétique » qui se déclencherait au vu même de l’œuvre de l’art ? Il faut d’abord considérer qu’il existe plusieurs types de relations noués au public :
- - Lorsque le public est absent, comment le faire venir ? La question de la gratuité se pose. Elle peut être un outil d’une politique et non une fin en soi. Elle peut donner le gout d’aller voir autre chose, elle constitue une sorte d’amorce.
- - Lorsqu’on crée un musée, quel type de publics cibler ? Les musées tunisiens (dont le nombre est 82 dont 37 sont sous la tutelle de la ministre de la culture et du sauvegarde du patrimoine), tournés vers le tourisme culturel, rencontrent des difficultés à drainer les visiteurs nationaux. De leurs côtés, le musés de sites archéologique, ont pour objectif de montrer une vision cohérente de l’objet de son Histoire.
- - Lorsque le public est là, comment valoriser à ses yeux les objets présentés ? Il s’agit pour le muséographe, d’anticiper et d’aller au-devant de ce que souhaite le visiteur. D’abord en créant une expérience émotive et interprétative. C’est la tâche des centres d’interprétations dans leur mission d’aider les visiteurs à comprendre, d’établir une médiation scénographique et théâtrale.
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