La question de la culture telle qu’elle est mobilisée au
sein des politiques culturelles de la Tunisie postrévolutionnaire doit être
posée au pluriel. Dans l ́optique classique, la plupart des partis politiques
tunisiens ont eu tendance à considérer la culture comme une valeur ayant seulement
des liens avec la qualité de vie. Ainsi, les stéréotypes d’un milieu artistique
fertile qui se traduit par des formes d ́habitat accueillantes, par un niveau
élevé de participation aux activités sportives et récréatives reflètent la
crise culturelle profonde de certaines élites de la deuxième république. Il apparaît aujourd’hui, de plus en plus
clairement, que le non-développement, ou le mal-développement, de certaines régions
tunisiennes ne dépend pas exclusivement de paramètres économiques ou politiques, mais aussi de
paramètres culturels.
Une culture repliée
sur elle-même, très hiérarchisée et axée uniquement sur des valeurs
traditionnelles, peut devenir rigide et rendre d’autant plus difficile
l’adaptation à des changements profonds. Par contre, si la tradition accorde
une grande place à la tolérance et au débat, ainsi qu’à la dignité de chacun et
à un harmonieux vivre-ensemble, elle peut faciliter le passage à une autre
forme de société, qui trouvera
pleinement sa place dans une mondialisation plus humaine et dans une société de
la connaissance respectueuse de la
diversité culturelle. Il est vrai,
aussi, que les échecs de certaines politiques économiques et de certains
modèles de développement, souvent
imposés par des gouvernements éloignés de la réalité vécue, ont empêché ce
passage vers une culture humaniste et ouverte. L’université peut, à ce
niveau, contribuer à instaurer une culture tunisienne ouverte, plus résiliente
et mieux à même de s’adapter aux
changements induits par les différentes crises (financière, économique, sociale,
climatique…) auxquels nous devons faire face. Une nouvelle stratégie éducative
permet donc d’instaurer un dialogue entre les différentes traditions locales,
de désamorcer les conflits idéologiques
et d’aider les citoyens à découvrir
leurs talents, à prendre confiance en eux, à
se motiver et à se responsabiliser, pour pouvoir mieux s’engager au service de la Tunisie. Il
est particulièrement important de miser ici sur la jeunesse, première ressource
du pays, au cœur des nouvelles stratégies
culturelles, en créant une nouvelle génération, capable d’évoluer entre différentes cultures, de faire preuve
d’imagination, désireuse de partager et
de tisser des réseaux de coopération,
tolérant les divergences d’opinion et prête à travailler de manière transparente.