La structure politique qui est convenu de l’appeler « l’État », et qui est nettement en opposition du modèle théologique ou monarchique qu’a connu le monde arabe durant des siècles, est apparue
progressivement à partir de « l’âge de la renaissance » dans les
cités-états italiennes pour influencer toute la philosophie politique européenne.
Cette mutation a été pensée et menée à bien par des philosophes marqués par les
nouvelles valeurs humanistes. L’État, en tant que communauté politique
rassemblant des gouvernés sous une même autorité, existe certes depuis
l’Antiquité. Néanmoins, l’État moderne est qualitativement différent des formes
politiques qui l’ont précédé. Il exprime l’aspiration à un pouvoir rationnel,
organisé, dans un cadre géographique limité par l’existence d’autres États de
même nature à ses frontières. En même temps, il est à lui-même sa propre
finalité : il est beaucoup moins tributaire d’une légitimation religieuse que
ne l’étaient les monarchies chrétiennes médiévales. Ce qui est essentiel aux
yeux des théoriciens et des dirigeants de cet État, c’est sa capacité à faire
régner l’ordre sur son territoire, à garantir à ses ressortissants une sécurité
minimale pour leur personne et leurs biens, à assurer enfin dans l’ordre
international sa souveraineté et sa puissance à l’encontre des ambitions des
autres États. Il se distingue ainsi clairement de l’idéal des monarchies
universelles de droit divin. L’idéal
religieux, le rêve d’un ordre à la fois moral et universel s’estompent devant
la notion de l’intérêt particulier de l’État dont on est issu et dont le
monarque doit assurer la cohésion contre toutes les tendances centrifuges qui
menacent son autorité, en particulier depuis les guerres de religion du XVIème siècle.
De manière significative c’est alors qu’apparaissent le terme même d’« État »,
ainsi qu’une conception de sa nature et de sa place dans la société qui ne sont
pas très éloignées des nôtres, même si la notion d’une autorité démocratique en
est absente à l’origine. Les périodes antiques utilisaient le mot grec Dêmos Kratos qui
signifie « le pouvoir au peuple » ou le mot latin de Res Publica qui signifie la « chose publique ».
On est passé progressivement de l’expression status rei publicae qui
signifie « la situation des affaires publiques » au concept de status tout
court qui correspond lexicographiquement au terme français d’État, ou au terme anglais du state et au terme italien stato. Par exemple,
Thomas More (1478 - 1535), chancelier du roi Henri VIII avant d’être condamné à mort par lui
pour avoir refusé d’abjurer le catholicisme, a écrit son ouvrage politique
majeur, l’Utopie, en latin (il sera traduit en anglais après sa mort).
Or, d’après son titre, cette Utopie porte bien de optimo rei publicae
statu, sur « le meilleur état des affaires publiques », c’est-à-dire l’État
idéal et la société idéale. Toutefois, l’État moderne n’est pas né de la
poursuite d’un idéal moral, ou religieux, mais bien d’une démarche réaliste
visant à consolider l’ordre et la souveraineté. Dès l’origine, en effet, les
royaumes de France ou d’Angleterre, par exemple, se distinguent de la monarchie
chrétienne universelle qui s’incarne dans l’idée d’empire. Le roi est certes «
empereur en son royaume », selon la formule des légistes médiévaux, mais il
doit défendre son territoire contre les ambitions des autres rois ou grands
seigneurs voisins. Par conséquent, il doit chercher à consolider et à accroître
son pouvoir plutôt qu’à mettre en œuvre une morale religieuse préétablie, comme
le modèle idéal de l’empereur chrétien l’y aurait incité. En France, Louis IX est probablement le dernier monarque qui ait paru inspiré avant tout par
l’idéal de la royauté chrétienne, alors que ses successeurs, notamment Philippe
le Bel, ont affirmé leur puissance au plan séculier en n’hésitant pas à
affronter l’ordre des Templiers ou même la papauté. Par la suite, le royaume de
France n’a pu apparaître comme l’une des principales puissances de l’Europe, à
l’époque moderne qu’après avoir surmonté la terrible crise de la guerre de Cent
Ans, où s’additionnaient un péril extérieur anglais et le risque de dissolution
lié à l’action centrifuge de grands féodaux comme le duc de Bourgogne. C’est
donc en surmontant les difficultés par la force que l’État moderne accroît son
autorité et sa puissance, qui deviennent, avec le temps, des fins en soi. Cette
notion d’un État qui n’existe pas comme une simple composante d’un ordre juste
voulu par Dieu, mais qui doit survivre à de nombreuses crises et révolutions,
est au cœur de la pensée politique de Nicolas Machiavel, un Florentin qui a
personnellement traversé les nombreuses vicissitudes des affrontements civils
dans une cité d’Italie centrale entourée de voisins menaçants. Son œuvre
majeure, Le Prince, montre comment un chef d’État peut faire face à ces
périls en s’inspirant des exemples du passé ; la même approche est développée
plus en détail à propos de l’histoire de la république romaine dans ses Discours
sur la première décade de Tite-Live. Selon cette approche, la politique
possède sa propre cohérence, sa propre logique d’évolution, qui ne doit plus
rien à la morale ou à la théologie. Les sentiments moraux ou les passions comme
l’admiration ou la crainte ne sont plus que des données et des instruments au
service d’un dirigeant politique résolu comme celui auquel Machiavel s’adresse.
L’influence de cet auteur sur les penseurs politiques ultérieurs a été
considérable et l’idée d’une autonomie de la politique par rapport à la morale
s’est peu à peu généralisée. Cette conception correspondait également mieux à
la nouvelle situation de la chrétienté occidentale à l’époque moderne, après la
division entre catholiques et protestants. Dorénavant, l’idée d’une référence
religieuse commune à tous a volé en éclats et les guerres de religion montrent
que le monarque doit parfois faire face à l’insurrection de ses sujets d’une
autre confession que la sienne. En raison des alliances et des rivalités entre
puissances catholiques ou protestantes, les États nationaux en formation sont
confrontés aussi bien à des guerres étrangères qu’à des conflits intérieurs. C’est
dans ce climat troublé des guerres civiles et confessionnelles du XVIIème siècle
que l’Anglais Thomas Hobbes propose une nouvelle théorie des rapports entre le
citoyen et le pouvoir. En effet, il estime que l’union des individus au sein
d’un corps politique ne va pas de soi, contrairement à la conception admise
depuis l’Antiquité et résumée par Aristote selon laquelle l’homme est un «
animal politique » (zôon politikon, c’est-à-dire qui vit dans une cité,
ou polis). D’après Hobbes, les individus vivant au stade premier, ou «
état de nature », de l’évolution de l’humanité ont des intérêts forcément
divergents qui les amènent à entrer continuellement en conflit. C’est la
fameuse « guerre de tous contre tous ». Par conséquent, l’autorité politique
n’existe pas à l’origine. Elle doit être instituée par un contrat, ou covenant.
Par celui-ci, l’individu s’engage à renoncer à la liberté absolue, source d’une
constante précarité, qu’il connaissait à l’origine. Il accepte de suivre les
lois qui incarne l’ordre public et la volonté collective. Là
se trouve l’origine de l’État, ainsi formé par la libre interaction et le libre
choix des individus sans trouver sa légitimité dans un ordre moral ou divin
immanent à la vie collective. Cet individualisme philosophique radical est
profondément nouveau et même potentiellement subversif, bien que Hobbes
s’affirme comme monarchiste dans son engagement politique pratique. La
légitimation de l’autorité politique de l’État moderne se fonde ainsi sur des
considérations politiques rationnelles, non plus sur la défense d’un dogme
religieux. Le cardinal de Richelieu
peut ainsi faire alliance avec les princes protestants contre la monarchie
catholique des Habsbourg au nom de la « raison d’État », qui s’affirme pour la
première fois aussi explicitement dans les relations internationales.
Progressivement, le salut des âmes cesse d’être la fin dernière, l’idéal de
l’action du roi, même au XVIIIème siècle dans les monarchies catholiques
traditionnelles comme l’Empire d’Autriche. L’ordre politique s’est laïcisé,
recentré sur les enjeux de pouvoir dont chacun admet qu’ils constituent
l’essence de la politique.
dimanche 28 octobre 2012
dimanche 21 octobre 2012
La violence sur la scène publique: Vers où ?
Les derniers
mois qui viennent d’être achevé ont connu le développement d’un comportement
violent étrange à notre révolution pacifique, à notre quotidien calme et à
notre tradition ouverte sur l’autre. Aujourd’hui,
la violence est devenue la malédiction qui a touché gravement notre société. Ce
problème épineux est devenu la question majeure qui attire de plus en plus les
attentions des spécialistes pour comprendre ses causes et ses ressorts. Dans
notre contexte actuel, nous sommes obligés à découvrir pourquoi le discours
violent a rempli l’espace publique pour se transformer en une monnaie courante
entre les différents protagonistes. En effet, nous pouvons remarquer que ce
type de comportement est transformé en un produit exposé à être vendu ou acheté
en profitant des circonstances postrévolutionnaire marquées par la faiblesse
des institutions étatique et leurs incapacité à gérer la montée de la violence
qu’il faut bien la résoudre pour faire triompher la rationalité.
Bien évidemment,
la violence fait partie de l’humain mais elle fait partie de la partie irrationnel
de l’homme, c’est pourquoi on peut dire qu’il est temps pour définir les
racines de ce phénomène. La raison qui cherche les explications avec insistance
sur les causalités et les finalités pouvait nous aider pour mieux appréhender
la problématique. Le sujet est donc ouvert au débat mais un débat très
particulier, c’est-à-dire où il n’y a pas vainqueur et vaincu pour qu’on puisse
bien diagnostiquer cette « maladie sociale ». À regarder de plus
près, la violence peut être classé suivent une hiérarchie de ses manifestations
socio-psychologique. D’une part, nous avons la violence physique qui peut être alimenté
par l’idéologie, la pauvreté, ou par un comportement criminel. De plus, ce type
de violence peut être aussi collectif ou individuel. N’oublions surtout pas que
ce type de violence essaie à travers le recourt à la force à sauter sur l’ensemble
des valeurs communes partagées par la société. À ce niveau, l’irrationnel s’avère
très dynamique dans l’inconscience de ceux qui use la violence. D’autre part,
nous pouvons remarquer l’existence d’autres types de violence comme la violence
verbale, biologique et psychologique. Ce
type de violence nous amène à réfléchir profondément afin de répondre aux questions
suivantes : Vers où ira notre contrat social qui garantit le respect
de l’altérité ? À ce stade peut-on dire que notre société tunisienne assistera-t-elle
à un crépuscule moral et étique ? Quel garde-fou mettra-on en place contre
ce type de comportement ? Le recours au dialogue et à un discours
moralisateur et pacifique semble capital dans ce contexte. Ce dispositif
devrait être accompagner par un consensus sociale unanime qui condamne le
recourt à la violence. L’éducation à la non-violence paraît une nécessité pour
dépasser ce traumatisme socio-culturelle. On peut aussi noter que de point de
vue psychanalytique la racine première de la violence est l’orgueil qui se
traduit par le désir de domination et d’hégémonie. Néanmoins, à mesure que la
société développait les notions de responsabilité et de liberté citoyenne, elle
agrandi en elle la possibilité de se protéger contre la violence. Le besoin à
la sécurité oblige à lancer une réflexion à haute voix pour approfondir la
culture du pluralisme, de la bienveillance et de la paix. Je ne crois pourtant
pas, pour ma part, qu’il soit impossible de le faire, mais il me semble que le
seul moyen de sortir de l’impasse est d’instaurer un État de droit qui peut
rassurer le citoyen et peut-nous aider à sortir de cette fatalité aveugle qui a
produit tous les malheurs que nous voyons sur la scène publique.
jeudi 18 octobre 2012
La liberté d'expression: Un devoir envers nous-même
Tout citoyen
dispose de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression, notamment en
vertu de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui stipule
que « tout individu a droit à la
liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété
pour ses opinions » (article 19), ce qui veut dire que la liberté d’opinion
et d’expression y compris la liberté de recevoir et de répandre les informations
est l’un des droits fondamentaux civique et politique, qui a été posé dans tous
les instruments respectueux des Droits de l’Homme. Elle trouve ses racines dans la philosophie de
la révolution tunisienne avant de faire partie intégrante du discourt politique
quotidien. Le philosophe anglais John
Stuart Mill, dans son fameux ouvrage On
liberty appelait la liberté de presse « une des sécurités contre un gouvernement corrompu et tyrannique »,
c’est aussi un droit constitutif pour un système démocratique dans lequel chacun
a le droit de dire ce qu’il pense et de critiquer la seine politique publiquement.
En 1945, le président américain Franklin Roosevelt annonça la liberté de
discours et d’expression comme l’une des quatre libertés sur laquelle il faut
baser un ordre futur après la 2ème guerre mondiale.
En effet, la
liberté d’expression est un cadre de droit contenant plusieurs éléments, comme
la liberté d’accès à l’information et la liberté de la presse et des médias.
Elle est fondée sur la liberté d’opinion et y intrinsèquement liée. Ainsi, le
champ de la liberté va de l’expression d’opinion individuelle à la liberté institutionnelle
des médias car la philosophie de la liberté est un droit civique absolu qui traduit
la citoyenneté en un fait réelle et praticable. La reconnaissance de la liberté
d’expression comme une valeur socio-politique suprême pose le problème de la
recevabilité de ces notions chez ceux qui possède le pouvoir. Mais ce qui est sérieux,
c’est que la société civile éprouve des pressions de force pour protéger les
libertés individuelle et collective.
Sur la seine
pratique nous assistons à des violations très répondu de ces fondamentaux à
travers des restrictions de la liberté d’expression dans beaucoup de pays du
printemps arabe comme on peut le constater à travers les rapports de Human
Rights Watch ou les rapports d’Amnistie international. À ce niveau , il y a la menace du contrôle
étatique, qui peut intervenir sous forme de censure ou d’autocensure.
Le processus
de la démocratisation de la société tunisienne dans le contexte
post-révolutionnaire a permis de posséder une
grande variété d’instruments et de procédure pour l’exercice du Droit de
liberté d’expression. Néanmoins, il y a une obligation pour l’État d’inclure
les libertés dans la nouvelle constitution et de fournir des remèdes en cas de
violation présumée. Le rôle de l’éducation
et de la culture en tant que moyen d’enraciner le pluralisme dans la société
est déterminant et pourrait contribuer de manière décisive, à l’intériorisation
des valeurs axées autour des droits de l’homme, la liberté et de la
citoyenneté.
dimanche 7 octobre 2012
Unissons-nous pour la Tunisie
L’allure
monumentale de la révolution tunisienne est chose si frappante que les grandes agences internationales de média ont une
tendance à n’en considérer que l’ensemble ou, s’ils en abordent les éléments, à
n’envisager que la manière dont ils ont concourt. Depuis la chute de « l’Ancien
Régime », la révolution tunisienne a fait l’objet d’une pléiade de
travaux, de pamphlets, de films, de documentaires et de romans. Beaucoup d’intellectuels
ont senti l’importance de l’événement et le poids de la responsabilité devant l’histoire
ce qui a permis aux tunisiens de découvrir une nouvelle image de leurs pays reflétée
par le mouvement révolutionnaire.
La
mobilisation du peuple entre le 17 Décembre 2010 et le 14 Janvier 2011 a rendu
possible de libérer les forces créatrices dans tous les domaines et de faire accélérer
les énergies pour montrer la capacité des tunisiens à rester dynamique et avide
de liberté. Le peuple tunisien a montré qu’il était possible
de déloger la dictature sans armes, par les forces de nombre, dans une attitude
pacifique et positive.
Notre pays a
rompu avec les anciennes pratiques où la répression, la corruption et la peur
dominaient et contrôlaient toutes les forces vives de la société. C’est grâce à
la révolution que nous sommes sortis de la léthargie, du silence pour descendre
dans les rues et faire appel à la démocratie, à la pluralité et à l’État de
droit. Cette dynamique lancée dans la société tunisienne s’appuyait sur la
culture de la citoyenneté et du patriotisme.
Le peuple
tunisien a pu réaliser une révolution « new look » différente des
autres révolutions qu’a connues le monde durant le 20ème et le 21ème
siècle. Le meilleur exemple de la spécificité est le rôle joué par les
blogueurs qui étaient les moteurs et les forces actifs des manifestations de
masse durant le mois de Janvier 2011. Internet, Facebook et Twitter et tous les
autres moyens alternatifs d’information ont été mis à contribution par les
jeunes tunisiens. Rappelons que l’ensemble des observateurs et de spécialistes considèrent
la révolution tunisienne comme innovatrice sur un nombre important de plan
surtout avec ses nouvelles techniques de protestations et son âme pacifique. Il
est à remarquer aussi que les femmes ont joué un rôle important et plus
symbolique que les hommes dans ce processus de participation aux revendications
populaires. Ici, la femme tunisienne a démontré qu’elle a un sens très élevé de citoyenneté et une expérience
très développé du collectif et de l’action groupée et coordonnée.
La référence
à l’État de droit est, depuis le 14 Janvier 2011, de plus en plus fréquente que
ce soit dans les débats académique ou dans la lexicologie utilisée par la
société civile tunisienne post-révolutionnaire.
La
solidarité et la fraternité entre les différentes composantes de la société
tunisienne est très importante dans notre contexte actuel surtout qu’un nombre
important de « chantiers » nous attend. De point de vue
politico-économique nous sommes devant de
sérieuses problématiques qui nécessitent l’union pour faire sortir le pays de l’impasse.
Unissons-nous donc enfants de la partie…
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