La transition démocratique est un terme imprécis, qui s’est répandu dans
le langage courant et la science politique à la fin des années 80. Il renvoie
indistinctement à différents types de processus de démocratisation : la «
transition à la démocratie » au sens strict, passage d’un régime autoritaire à
un régime démocratique, ou diverses extensions du domaine de la démocratie dans
le cadre de régimes démocratiques déjà en place. Évocateur d’une démocratie en
mouvement, il est cependant porteur de confusion et de non-dits philosophico-politiques
qui devraient inciter à l’utiliser avec prudence. Dans les décennies 1980-1990
on a vu s’écrouler les anciennes dictatures de l’autoritarisme modernisateur et
le constitutionnalisme libérale en Portugal, la Grèce, en Chili, en Argentine
et au Brésil… (Etc.). En Tunisie, le berceau du « printemps arabe »,
le monde s’extasiait devant la construction d’un processus révolutionnaire
populaire et spontané, la presse mondiale célébrait rituellement la révolution
tunisienne et le processus transitionnel tunisien. À peine trois ans, le bilan
est aujourd’hui beaucoup plus nuancé : troubles dans les régions, crises
économiques et instabilité politique ce qui obscurcie les horizons de la
Tunisie postrévolutionnaire. La théorie des dominos invoquée pour expliquer la crise
structurelle à la suite d’un tel changement paraît être fortement nuancée. Avec
le recul, ne peut-on avancer l’idée que nous sommes en train de vivre une
confusion au niveau phénoménologique. La rupture est bientôt consommée entre la
masse populaire et la classe politique. L’État tunisien postrévolutionnaire est
accusé de ne plus écouter les citoyens, de ne plus les comprendre, de ne plus
assumer les responsabilités que le peuple lui a confiées. De notre société
monte ainsi une colère, une rancœur, sourde et profonde, parce que la classe
politique semble avoir gardé le pouvoir sans avoir conservé le sens de la
responsabilité qui va avec, notamment vis-à-vis de tous ceux qui
souffrent : les chômeurs, les ouvriers, les employés, les jeunes… (Etc.)
que de plus en plus de chercheurs appellent les « invisibles » parce
que le pouvoir politique n’en parle jamais, ne s’adresse jamais à eux… Et qu’il
soit de la Troïka ou de l’opposition à
cet égard n’y change rien ! L’alternance politique semblant être devenue,
dans notre pays, une sorte de rituel vide, tellement les politiques sont
interchangeables. Bref, notre contrat social qui était à l’origine un contrat
de confiance, laisse de plus en plus la place à un constat de défiance, parce
qu’il ressemble de plus en plus à un marché de dupes !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire