Les temps que nous vivons
incitent aux examens de conscience. En effet, il est méritoire de s'essuyer les
pieds avant de franchir le seuil du temple de la révolution mais il faut tout
de même, à un moment, suspendre cet exercice purificatoire, et se décider à
entrer pour atteindre notre « révolution de jasmin », notre Tunisie,
contestées, divisées, mais encore en plein vie et qui demande qu’on sauve ses
valeurs révolutionnaires et sa civilisation pour se borner à les passer au
crible de l’esprit critique, et, comme on dit volontiers aujourd'hui, à les
repenser, au lieu de les décrire. Malgré tout les problèmes, nous ne pouvons
pas, n'être pas attentifs à cette évidence qu'est la transformation de l'État,
dans ses tâches et dans ses structures; l'ampleur du phénomène, l'accélération
de son rythme, nous arrachent au « confort intellectuel ». Les faits nous
imposent une incessante remise en question des constructions et des catégories politiques
dans lesquelles nous avons été nourris. Ce n'est pas là une simple nécessité de
l'intelligence, mais bien une obligation pratique puisque l'insertion dans l’espace
public des formes nouvelles de l'action du pouvoir ne peut se réaliser qu'au
prix d'un perpétuel réajustement du système mit en place depuis plus de trois
ans. Ce qu'on appelle en Tunisie la crise de la « transition démocratique »
et en réalité la crise de l’élite politique et intellectuelle du pays. Notre
système révolutionnaire a achevé de préciser ses grandes lignes depuis la chute
de l’Ancien Régime. Il est né dans une société en action et en mouvement. Depuis
lors, les temps ont changé, mais l’ancien système, dans ses lignes
essentielles, demeure encore ! Comment ne pas nous demander, dès lors, dans
quelle mesure il a conservé sa vivacité ? Comment ne pas nous demander si, en
le professant, en le défendant, nous ne nous acharnons pas à prolonger par des
étais fragiles la durée d'une vieille maison déjà condamnée, à retarder un
inévitable écroulement, à maquiller un cadavre ? L’effondrement de l’Ancien
système a activé une nouvelle littérature politique basée sur un utopisme
flagrant. À l’époque, la Tunisie était en proie aux autoritarismes
néo-révolutionnaire et technocratique. Ainsi, après quelques moments d’instabilité,
la nouvelle élite politique postrévolutionnaire optait pour un modèle
pluraliste en instaurant le multipartisme puis en créant de toutes pièces les
cultures et les pratiques d’une société démocratique. Néanmoins, cette réalité risque
de se faire virer de nouveau vers les figures de l’Ancien Régime ! Démocratie
ou Néo-autoritarisme ? Tel est la question qui s’impose une semaine avant
l’enjeu électoral...
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