Jamais l’information scientifique n’a autant
animé les cercles de débats médiatiques comme nos jours, à cause de la crise sanitaire
provoquée par le Coronavirus. Ces débats se cristallisent d’abord autour des de
la transmission de l’information académique à un public non instruit, et
d’autre part autour de la nature de la communications des chercheurs qui se
trouvent obliger de sortir en public afin de confronter la pression sociale. Dès
lors, tout en prenant appui sur l’enjeu de la diffusion de l’information académique,
se pose plus clairement la question de la redéfinition de la sphère de la
communication scientifique qui comprend désormais une audience plus large et
des attentes sociétales et socio-économiques plus importantes. Les modalités de
production de l’information scientifique, associées à d’autres normes de
communication, se retrouvent ainsi redéfinies à l’aune des modalités de la
diffusion ouverte.
Dans un monde marqué par une crise sans
précédent, l’information académique devint un enjeu d’État puisque les
économies nationales dépendent de plus en plus de l’application des
connaissances scientifiques et techniques pour sortir de l’impasse actuelle. C’est
pour cette raison que la Tunisie doit formuler, le plus vite possible, sa
politique nationale de diffusion de l’information académique, puis se procurer
les moyens de la mettre en œuvre. Ainsi, le recours à des médiateurs pour
transmettre l’information académique d’une manière pédagogique et simple au
grand public semble une des solutions pour pouvoir combattre la crise. C’est
pourquoi il serait essentiel de mélanger systématiquement des questions dites
de culture générale avec les questions scientifiques, afin d’attirer plus
d’audience. Cette méthode peut poser un problème fondamental concernant le
profil des usagers de la communication scientifique.
Il faut souligner, dans le même sens, un autre
point important : si l’on souhaite vraiment atteindre un public large, la
communication sociale doit être envisagée comme un jeu à somme nulle. Il est en
effet évident que la capacité des citoyens à intégrer des connaissances n’est
pas indéfiniment extensible, non seulement parce que l’allocation du temps de chacun
repose sur des choix exclusifs, mais aussi parce que les capacités cognitives
de tout individu, notamment sa mémoire, sont limitées et déjà utilisées. Une
personne connaissant mal la médecine ou l’Histoire n’est pas une outre vide,
qui ne demande qu’à être remplie de savoirs : elle peut être infiniment plus
savante que nous en matière de musique ou de spectacle. D’où il résulte qu’il
est vain d’envisager l’information scientifique comme un ensemble de
connaissances à injecter en plus. Les connaissances scientifiques sont en
concurrence directe avec les matchs de football, les émissions people et les
recettes de cuisine, ce qui implique une nouvelle méthodologie de communication
académique. On retrouve ici la relation approximative entre l’amplification
sociale du message scientifique et sa dégradation par rapport à la sphère
savante. Un moyen très simple pourrait
être, par exemple, de tenter de raisonner en termes de bilan cognitif global,
c’est-à-dire de confronter dans tous les cas le coût épistémologique d’un
message (la simplification, ou la dégradation des savoirs qu’il véhicule) à sa
pertinence et sa portée sociale. Cette approche pragmatique permettrait
peut-être de clarifier les problèmes qui se rencontrent à grande échelle mais
aussi, sur le terrain dans les éternelles polémiques autour de la valeur
sociale de l’information savante.
En effet, l’incapacité de vulgariser
l’information savante constitue un problème majeur. À titre purement
exploratoire, nous avons, par exemple, regardé pendant quelques jours toutes
les dépêches traitant des sciences médicales publiées sur Internet par des grandes
agences de presse mondiales : d’un point de vue purement académique, une grandes
partie de ces travaux nous ont paru critiquables pour une raison ou pour une
autre, mais d’un point de vue médiatique, il nous a semblé que le traitement de
beaucoup de celles-ci était naturel dans ce cadre de crise. Le fossé entre
l’analyse et la pratique de la vulgarisation est particulièrement spectaculaire
lorsque l’on compare les ouvrages savants, parfois assez austères, et les
manuels de conseils pratiques, dont la naïveté est le plus souvent
déconcertante. Ainsi s’explique en partie le fait que de nombreuses questions
liées à la sociabilité de l’information savante restent sans solution. Plusieurs
zones d’ombre sont également liées au peu d’efforts publics visant à mieux
coordonner et, en contrepartie, à mieux financer les recherches en la matière
et à les faire connaître.
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