Depuis la
révolution tunisienne, il est peu de réalité aussi essentielle et aussi sujette
à disputes que la liberté. Les discours qui la nient ne manquent pas et les
oppressions qui la bafouent sont légion. La liberté semble semble être l’objet
des discours les plus contradictoires selon les différentes idéologies
politico-philosophique ce qui nous amène à poser la question suivante : Que signifie la liberté ? Les difficultés d’une définition de la notion de la liberté
sont en effet nombreuses. Tout d’abord, parce que la liberté est souvent présentée
comme un objet de conquête et simultanément comme une réalité inaliénable. Tout à la fois un idéal et une réalité
constructive de la citoyenneté. Pourtant, si elle est à conquérir, elle n’est
pas déjà donnée ; si, en revanche, elle est inaliénable, elle est toujours
là. Ces deux pôles induisent à leur tour des contradictions : si on la tient
pour inaliénable, sa défense apparaît inutile et contradictoire ; si on la
défend, elle peut être tenue pour une réalité fragile car elle est lié à son
contexte historique. Cette première
difficulté conduit à une seconde : la définition consiste à tracer sa
signification profonde. En effet, la
liberté est toujours liée à la pensée humaniste. Ce lien par des luttes
socio-politique contre la pensée unique et les régimes totalitaires suppose aussi un travail du sujet sur lui-même.
Les traités de Spinoza et de Malebranche qui précèdent de près de vingt
ans la parution de l’ouvrage de Locke intitulé « An Essay concerning human understanding » le montre très bien. C’est dans le Livre II, de John Locke consacré à la
puissance (power), que notre philosophe donne sa conception de la liberté : « so far as a man has power to think or not to
think, to move or not to move, according to the preference or direction of his own
mind, so far is a man free… So that the idea of liberty is, the idea of power in
any agent to do or forbear any particular action …». La présence
des termes « force » et « puissance » dans ces définitions de la liberté
atteste peut être du rôle joué à l’époque en philosophie naturelle par l’apport
conceptuel des théoriciens du mouvement, de la mécanique, Huygens en
particulier. Alors que chez Malebranche la liberté reste une « puissance
appétitive » pour utiliser l’expression
de Saint Thomas, l’idée que s’en fait Locke
semble avoir davantage de valeur
générale. La physique et les mathématiques contemporaines, qui visent également
à l’universalité, ne font pas appel au
concept de liberté en soi ; il leur arrive d’employer la terminologie « degrés
de liberté » pour laquelle ils possèdent des définitions bien formalisées dans des cadres particuliers
précis. Si la liberté pure et le déterminisme absolu sont en opposition, par contre déterminisme
et nécessité font bon ménage. Sur ce dernier point, sur lequel la littérature moderne
abonde, et dans la perspective historique de ce paragraphe, je ne retiendrai
ici que les points de vue de philosophes
importants du Moyen Age, les philosophes
persans, Avicenne (né en 958) et Al Gâzâli al Tousi (né en 1058), lequel
reprend beaucoup Avicenne. Celui-ci, médecin, expérimentateur, est sans doute
le meilleur des « élèves » d’Aristote semblent avoir été, avec Aristote, les grands maîtres de la philosophie
de leur époque. La citation suivante d’Avicenne, résume en partie son jugement :
« Les décisions de notre volonté
[dit Avicenne dans sa métaphysique] ne sont qu’après avoir pas été ; or toute
chose dont l’existence a été précédée de non-existence est une chose qui a une
cause ; partant, toute décision volontaire qui se produit en nous a une cause.
La série de ces causes, d’ailleurs, ne remonte pas à l’infini [à l’intérieur de
notre âme] ; elle aboutit à certains évènements qui sont arrivés du dehors ; ces évènements sont
terrestres ou célestes ; mais les évènements terrestres proviennent des
évènements célestes ; la collection, donc, de ces évènements provient d’une
manière nécessaire de la nécessité de la volonté divine. Quant au hasard, il se produit par le
concours de toutes ces choses ; lors donc que vous les aurez toutes résolues
d’une manière parfaite, elles se trouveront réduites à des principes dont la
nécessité descend de Dieu…Si quelqu’un des hommes pouvait connaître toutes les
choses qui s’accomplissent [présentement] au ciel et sur la terre, et savoir
quelles en sont les natures, il connaîtrait assurément quelles choses doivent
arriver et comment elles arriveront ». Les points de vue de ce grand penseur sur
la cause, la nécessité et le déterminisme ont été repris par Jean de Jaudun qui
disait : « Il lui [Aristote] faut admettre, en effet,
que tous les êtres sont nécessaires, suivant un certain mode de nécessité ;
aussi a-t-il admis que toute chose qui
sera dans l’avenir adviendra d’une manière nécessaire. Toutefois, pour
comprendre ce que dit Aristote, il convient de remarquer qu’il y a deux sortes
de nécessités. Il y a une nécessité continue, qui est en tout temps et chaque
partie du temps ». La vision de notre monde observable, telle qu’elle
ressort de ces lignes, n’est guère originale. Elle est présente chez Platon
pour qui la cause et le hasard sont omniprésents.
Ruinant notre pensée en notre indépendance, elle semble faire de nous des êtres
assujettis. Elle donnerait alors crédit aux affirmations de bien des
religions. Il faut en examiner la
principale conséquence, elle est d’ordre psychologique : nous avons tendance à
rejeter cette conclusion d’assujettissement, elle nous dérange profondément ;
ce qui, sur le plan intellectuel, conduit en général à l’affirmer comme inexacte,
et sur le plan social, collectif, peut animer des formes de révolte. Quelle(s) raison(s) pourrai(en)t justifier ce
malaise ? Je n’en vois clairement qu’une, mais elle est de taille. L’univers
dans lequel nous vivons est de nature héraclitéenne, c’est-à-dire
conflictuelle. Chaque objet passe par une phase de développement expansif, et
le conflit apparaît lorsque s’entrechoquent au sein du même espace les domaines
attachés à deux objets distincts. La survie de chaque objet suppose donc en interne
la présence de mécanismes de
transformation, d’adaptation de l’objet aux impératifs des conflits,
sous leur forme présente ou pressentie. L’intime croyance en notre liberté est
très probablement une forme d’expression de la subtile perception interne que
nous avons de notre indispensable et présente capacité d’évolution. Cette capacité, plus ou moins accusée, est
inhérente à tout objet, qu’il soit individuel ou collectif. Elle dépend aussi
en partie, dans sa force de conviction, et en ce qui nous concerne, de
l’étendue de nos réserves organiques, capables de se différencier ou d’être
utilisées à des fins de remplacement, de renouvellement, de substitution, d’organisations
nouvelles. Le sentiment de liberté, que nous sommes maîtres de nos décisions,
paraît alors être souvent une illusion positive, qui vient d’abord de ce que
nous percevons un certain nombre de contraintes, internes à notre personne ou
internalisées. Nous croyons être capables de les modeler, de les assujettir. Ce
sont en fait ces contraintes qui nous maîtrisent car elles sont dépendantes
d’un très grand nombre d’autres contraintes, exerçant leurs effets
immédiatement ou avec retard, et que nous percevons peu ou pas du tout. Par ailleurs, en sens contraire et comme je
l’ai déjà mentionné, l’acteur se croit également libre du fait qu’il ne
parvient pas à percevoir la totalité des contraintes qui contribuent à façonner
sa décision. Nous avons aussi conscience d’une forme d’infinité dans les
manières dont les contraintes peuvent peser et induire des modifications des
transformations, des comportements. D’où vient que l’égalité parfaite entre
deux objets quelconques est impossible ou exceptionnel. Nous avons alors aussi
subtilement conscience du caractère unique, singulier, ou quasiment unique de
chaque chose, de chaque objet, de chaque processus, et donc de nous-mêmes. La
mise en contact permanente avec ces infinités de comportements et de
singularités à tendance aussi à produire cette enivrante impression de liberté.
Elle nous est enfin nécessaire pour chasser les sombres nuages qui peuvent obscurcir
nos horizons, pour permettre que s’implante en notre esprit, les formes de la volonté,
le désir de créer, l’ouverture à la vie, l’espoir.
"By academic freedom I understand the right to search for truth and to publish and teach what one holds to be true. This right implies also a duty: one must not conceal any part of what on has recognized to be true. It is evident that any restriction on academic freedom acts in such a way as to hamper the dissemination of knowledge among the people and thereby impedes national judgment and action."
RépondreSupprimerAlbert Einstein
Un très bon travail avec des pensées remarquable. Merci beaucoup :)