jeudi 22 août 2013

Le printemps arabe : Vers une pensée alternative



Le « printemps arabe » inauguré par la déroute du dictateur tunisien, chassé le 14 janvier 2011 au terme de vingt-trois années de pouvoir, a fait très inopinément entrevoir la fin d’un long hiver autoritariste arabe. Directement en Égypte, en Libye et au Yémen, mais également par réaction ou par anticipation, au Bahreïn, au Maroc et en Syrie notamment, la vague de contestation affecte la plus part des régimes de la région. Une telle sortie de l’autoritarisme avait été souvent entre aperçue, régulièrement annoncée, mais autant de fois différée. En Occident, l’image d’un monde arabe passif et culturellement inconciliable avec les aspirations démocratiques du reste de la planète est d’ores et déjà profondément transformée. Au début 2011, la Tunisie puis l’Égypte ont connu d’abord un épisode de mobilisation protestataire où la pression populaire a poussé le titulaire du pouvoir à quitter « son trône ». Dans les deux cas, le processus n’a été mené à son terme que parce que l’armée a considéré, sans nécessairement être acquise à l’agenda des protestataires, qu’elle n’avait plus rien à gagner à défendre un leader trop unanimement discrédité. Cet épisode libératoire a ouvert la porte à un changement politique dont l’ampleur ne sera toutefois perceptible qu’au terme des deux étapes suivantes, dont le destin n’était pas encore scellé à l’été 2011. Cet épisode fondateur, symbolisé dans le cas égyptien par la dénomination de la place cairote (Tahrir), a toutefois laissé à tous les niveaux de l’État un personnel politique intimement lié au régime dont seul le titulaire suprême a été déchu. Entre la contre-révolution et la soumission au catalogue entier des revendications de la rue, les anciens politiciens se trouvent en situation de prendre la mesure de leur marge d’action, de déterminer l’étendue des concessions qu’ils doivent faire aux protestataires, aux idées et aux énergies qu’ils ont libérées, sauf à voir la rue se remobiliser en exigeant cette fois leur complète éviction. L’heure est à des réformes de structure sur le terrain de l’ingénierie constitutionnelle et électorale, puisqu’ils sont contraints de préparer les conditions d’une possible redistribution, fut-elle à leur détriment, des cartes politiques. Dans un troisième temps, à partir de l’été 2011, des « enchères électorales » devaient redistribuer leur pouvoir passé et ils se promettaient de tout faire pour l’y récupérer, directement ou s’ils étaient, comme en Tunisie, interdit de candidature, par alliés interposés, dès les premiers scrutins. Entre-temps, avec leurs alliances, ils devaient rénover les instruments de leur communication et s’efforcer de survivre à l’éviction de leur chef. Cette période n’était pas à l’abri d’interférences extérieures. Cette période de redistribution des cartes était logiquement propice à des provocations et à des manipulations, notamment de la part des anciens titulaires du pouvoir désireux de crédibiliser la rhétorique du « après nous le chaos » et d’agiter, pour ce faire, le spectre du désordre économique ou de l’intolérance, confessionnelle ou ethnique. L’enquête sur l’attentat du 31 décembre 2010 contre une église copte d’Alexandrie, qui a fait vingt-trois morts et une centaine de blessés, a pointé d’autres coupables que les « intégristes musulmans », à rechercher plutôt du côté de l’ancien ministère de l’Intérieur. Dans un tout autre registre, en Tunisie, les empoignades autour de la fixation de la date des prochaines élections n’ont pas été exemptes de manœuvre des divers acteurs, bien loin de la transparence recherchée.  Néanmoins, la seule manière de faire avancer le « printemps arabe » consiste à s’opposer à la fois à la position hypocrite et à la répression. Les jeunes révolutionnaires ont besoin de soutien. La lutte actuelle est d’ordre socio-politique, intellectuel et civique. Il s’agit d’une lutte continue qui exigera la vigilance afin de réaliser les objectifs de la révolution.  



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