Depuis trois ans
maintenant, la paix des dictatures arabes a été sérieusement perturbée par une
montée de la contestation populaire. Cette contestation usa, pour se faire
entendre, de toutes les formes traditionnelles ou inédites du rejet populaire
de l’autoritarisme. Ainsi, la multiplication et la généralisation des nouvelles
méthodes, inhabituelles, de s’emparer de la scène politique qui s’articulaient
alors à d’autre raisons conjoncturelles de mettre la société en mouvement
(résultats économiques lamentables, corruptions administratives, perturbations sociales…)
font que cette période a été analysées par les spécialistes de la région comme
une « ère de trouble » marquée par une tendance de démocratisation,
ou encore comme un moment de colère, certes inattendue par les pouvoirs en
place, mais qui extériorisait en réalité une frustration longtemps ingurgitée
et contenue par les victimes des violences multiformes orchestrées et
développées sur la longue durée par les dictatures arabes. Toujours est-il qu’à
tous points de vue, le début de la révolution tunisienne est le point zéro,
l’épicentre de l’intelligibilité historique, sociologique et politique de la
nouvelle vague des tentatives de démocratisation des sociétés arabes. En effet,
l’inscription de l’année 2011 dans l’ordinaire et l’imaginaire des pouvoirs et
des sociétés arabes comme période de « désordre » ou au contraire
comme une période de « renaissance » de la vitalité populaire indique
que, par delà toute querelle politique ou idéologique, cette année du zéro est
le point géométrique par lequel doit transiter toute analyse de la mémoire et
de la situation politique actuelle. Comme repère, l’année 2011 est plus que
pertinent pour le cas de l’analyse de la transition démocratique dans la région
du « printemps arabe ». Ainsi, cette transition vers la démocratie
peut désigner le passage d’un contexte politique oligarchique vers un nouveau
contexte où la pratique politique devra dépendre du débat et du suffrage
populaire. Autrement dit, parler de la transition démocratique dans le monde
arabe, c’est se focaliser sur ce moment de rupture entre les pratiques d’un
pouvoir qui règne par la terreur et la pensée unique diligentée par le haut et
son contraire, c'est-à-dire l’institutionnalisation d’un accès à la
représentation par une compétition au sein d’une pluralité d’opinions
politiques qui se côtoient et s’affrontent. Bien entendu, pour conduire à une
telle pluralité, les choix des termes et des réformes dits de
« transition » devraient être eux-mêmes en soi
« démocratiques », c'est-à-dire refléter un large consensus fondateur
entre les acteurs politiques appelés à s’affronter dans ce procès de la
démocratisation et à déborder le cadre égoïste des idéologies et des attentes
partisanes pour se préoccuper, à l’échelle de chaque pays arabe, de l’instauration
de la démocratie dans ses termes universels de « pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ». Un tel
programme permettrait à la transition de produire des normes
propres à la démocratie classique. Et, sur le terrain institutionnel,
d’instaurer une convivialité de fait qui permettait de gouverner la société par
un dialogue permettant entre les acteurs politiques de tous bords et le reste
de la société civile. Enfin, ce dépassement des égoïsmes partisans permettrait
à la transition démocratique d’être le moment de la mise en place d’une
démocratie fonctionnelle, c'est-à-dire qui ne tiendrait son sens que de
l’invention des mécanismes objectifs et stables de la sélection des élites.
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