L’échec à l’école
est un phénomène ancien en Tunisie. Il constitue un symptôme, celui d’une
mal-adaptation. Mal-adaptation de l’élève, en apparence peut-être, mais surtout
mal-adaptation de l’école, face à son rôle premier d’éducation. Mal-adaptation
également face à ce double idéal que l’école elle-même, l’école républicaine, a
promulgué haut et fort : égalité et respect. Or, qu’a-t-on fait de l’école
sinon un outil au service de la sélection et de la discrimination, souvent
davantage qu’un outil au service de l’éducation ? Non pas que la sélection
et de la discrimination soient nouvelles : la société s’était patiemment
forgée des institutions et des instruments culturels servant de garde-fous
imperméable entre les classes sociales. Mais les processus de production
modernes qui exigent, au contraire, une relative porosité entre les couches de
la société, ont fait jour au besoin de nouveaux outils de régulation, plus
subtils. On a ainsi substitué le rendement intellectuel au privilège de
naissance. Mais alors, dira-t-on, l’échec
scolaire n’est-il pas simplement la contrepartie, le prix à payer d’une
évolution par ailleurs positive : son existence même ne signifie-t-elle
pas que d’aucuns peuvent désormais prétendre à une réussite-encore que souvent improbable,
dont l’accès eût été illusoire auparavant ? Dans ce cas, il ne faudrait
plus parler de mal-adaptation ; l’école au contraire devrait être comprise
comme un milieu, une institution privilégiée dans laquelle se révéleraient,
démocratiquement, les individus les mieux adaptés aux exigences de la société.
Notre
conviction pourtant est que l’échec scolaire constitue bien un échec flagrant
de l’école, ne serait-ce que parce que son prix est exorbitant. Même dans une
perspective de « sélection naturelle », on ne saurait justifier ses coûts
en regard des éventuels bénéfices pour la survie du système. Coût
psychologique, coût social d’une enfance en prise au désespoir, coût économique
et institutionnel. Il s’agit bien là de mal-adaptation.
Certes, on
peut expliquer l’échec scolaire seulement on se basant sur la description des
données que nous possédons mais les causes réelles de l’échec scolaire ne peuvent
être expliquées qu’au prix d’une démarche interdisciplinaire. Une bonne dose de
courage est sans doute nécessaire, aujourd’hui, pour oser aborder du point de
vue multidisciplinaire le problème de l’échec scolaire en Tunisie pour pouvoir
le traiter selon des perspectives diamétralement opposées surtout que les
savoirs scolaires font partie du domaine culturel.
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