Depuis
la « révolution foucaldienne », nous sommes persuadés qu’à
l’intérieur de toute tradition religieuse, les éléments de continuité tiennent
aux formes, aux institutions plus qu’aux doctrines. Les mots sont ainsi des
vases vides dans lesquels les générations successives de croyants versent le
vin de leurs convictions. Il est reconnu qu’il existe des traditions culturelles
identifiables et que chacune d’entre elles a connu des modifications
politiques, sociales et comportementales importantes en son sein. Nous vivons
avec le changement et nous admettons que tout ce qui vit change…à une seule
exception près : la religion. Si la tradition religieuse d’une culture est
morte, comme c’est le cas de la religion Gréco-romaine, nous convenons de sa
nature organique, mais si elle a survécu, nous avons tendance à la considérer
comme une constante culturelle. C’est pratiquement vrai dans la région arabe où
les trois monothéismes fondent leur autorité sur la base de la révélation et
s’appuient sur une écriture qui impose des formes de culte, de pensée et de langage
à la communauté. Les croyants oublient que s’ils lisent un de ces textes
anciens et se sentent liés par ses prescriptions, ils projettent inévitablement
dans celui-ci leurs sentiments ainsi que leurs besoins et modèlent ses
préceptes selon les notions du bien qui prévalent à leur époque. Les traditions
religieuses témoignent du même processus d’adaptation dynamique et de
changement organique que les autres éléments de la culture dont ils font partie.
Ainsi, la tendance à nier le changement procède d’une nécessité
fondamentale : être rassuré. La vie est courte. Nos expériences sont
déroutantes. Une grande partie de ce qui constitue la religion satisfait au
besoin humain de créer une impression d’ordre et de stabilité au milieu du
flux. Si nous n’en sommes pas conscients sur le moment, les preuves de sa
puissance sont tout autour de nous. Le monde arabe est plein de femmes et
d’hommes terrorisés par le changement au point qu’ils ont fait une politique de
ce besoin de stabilité, s’efforçant de contraindre les écoles à promouvoir et à
justifier leur conviction que la Tradition à prendre au pied de la lettre. Ces
aspirations passionnelles sont compréhensibles, mais il serait désastreux pour
notre société qu’elle s’y abandonnât.
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