Décédé
à l’âge de 95 ans le 1er mai 2017 à Tunis, Mohamed
Talbi était l’un des fondateurs de l’Université Tunis, dont il était son
premier doyen. Membre actif pendant une trentaine d’années de la revue des Cahiers de Tunisie, Mohamed
Talbi fait partie de cette génération fondatrice qui a reconstruit la science
historique en Tunisie en lui conférant l’assise d’une discipline universitaire
à part entière. Moins présent dans l’espace public que celle de ses proches
collègues, l’œuvre savante de Mohamed Talbi appartient aux classiques sur les
questions relatives à l'histoire des mentalités. La rigueur conceptuelle, la
précision historique et la réflexion critique sur le statut du savoir
caractérisent son parcours.
Fidèle
à sa vocation pédagogique, à son attachement aux valeurs démocratiques et
républicaines ainsi qu’à ses croyances religieuses, Mohamed Talbi a trouvé,
dans les recherches qu’il a consacrées à son grand maître du passé, Ibn
Khaldoûn, un vaste champ, propice à des travaux qui représentaient à ses yeux
beaucoup plus que les jalons obligés d’une carrière universitaire ou les
aliments d’une fringale intellectuelle : ils furent pour lui les pierres
miliaires d’un chemin de vie.
Intellectuel
engagé, Mohamed Talbi s’était pris, ces dernières années, d’un enthousiasme
admiratif par l’humanisme et l’Islam des Lumières. Pacifiste khaldoûnien que la
montée de l’extrémisme en Tunisie, et dans le monde arabe eut sans doute
profondément attristé, il consacre ses derniers essais à (re)penser l’épistèmé arabo-islamique à
la lumière des exigences de la pensée moderne et des impératifs des changements
socio-politiques des sociétés arabo-musulmanes. Ses apports à l’étude et à la
fructification de l’héritage islamique classique (tûrâth) étaient des plus marquants et des plus
profonds. Il a, en effet, plaidé pour le renouvellement de la pensée islamique,
cherchant à poser les bases d’une démarche permettant de déconstruire les
catégories de la raison classique afin de leurs conférer une dimension
foncièrement moderne. Si ses thèses n’ont pas eues toujours un écho favorable,
c’est probablement parce qu’il était en avance par rapport à son temps !
En dépit de cela, Mohamed Talbi devrait incontestablement être considéré comme
l’une des figures majeures de la pensée arabes contemporaine. Il est de
surcroît parmi les auteurs les plus productifs. Son œuvre imposante concerne
des domaines très divers, relevant à la fois de l'histoire, de la philosophie
et de l'anthropologie critique et touchant tout autant à la politique et la
morale qu’à la sociologie comparée des religions.
Ses
propositions réformistes appartiennent désormais
à la postérité.
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