À une époque où la mondialisation a
envahi les espaces nationaux, l’affirmation de la personnalité collective, de
l’unicité et de la spécificité nationale se pose avec plus d’acuité du fait que
les coordonnées identitaires nationales sont retracées dans ce nouveau
contexte. Repenser et réorganiser l’espace mondial, touche à la fois le capital
social dont la collectivité nationale a fait confiance, et l’héritage entier
(matériel et immatériel) que l’histoire a transmis à la nation (avec ses
générations successives) pour l’enrichir. Bref, les nouvelles conditions
socio-économico-politiques affectent l’élément le plus solide de la solidarité
nationale : l’identité nationale.
Mais qu’est-ce que c’est que l’identité nationale ?
Mais qu’est-ce que c’est que l’identité nationale ?
Sociologiquement parlant, l’identité
nationale réside dans une certaine image que les citoyens élaborent sur leur
propre nation, avec son territoire, sa culture et ses institutions, et qui est
accompagnée par de forts sentiments positifs. C’est un ensemble de symboles
visant la nation, élaboré tout au long de l’histoire et transmis aux
générations successives par l’intermédiaire du processus complexe de
socialisation. En effet, l’image mentale élaborée à partir de la
nation comme support/référence matériel/le, est fortement liée à l’histoire,
aux lieux de mémoire et aux héros d’où elle tire sa sève. Elle est
assignée à rester sans écho dans la pensée collective et individuelle si elle
n’encourage pas l’admiration, la fierté, le respect pour la nation passée,
présente et future. Les sentiments attachés à la nation sont construits et
reconstruits à l’aide de symboles nationaux. Ils se produisent en même temps et
se soutiennent réciproquement. Par son existence et pour son existence, la
nation crée ses moyens qui lui assurent la permanence. L’attachement et la reconnaissance
s’inscrivent dans un long processus de rattachement au groupe d’appartenance
impliquant des sentiments de l’individu par rapport à soi-même et au groupe
d’appartenance. Faisant la liaison entre le vécu et l’avenir de l’individu,
l’identité fait usage de sentiments pour projeter des rôles que l’individu
s’appropriera, des statuts qu’il cherche à détenir, réunis en images dominées
par la dimension cognitive. L’identité nationale devient, ainsi, un
sentiment créateur d’images et de symboles visant l’espace national.
Ce diagnostic semble ne pas échapper
aux historiens de la Tunisie indépendante. Mais pour qu'on puisse parler de
réflexion identitaire chez la première génération d'historiens tunisiens, il faut en effet que l'unité nationale apparaisse non
pas comme un présupposé, une réalité donnée au départ, mais comme un problème.
Parmi les recherches historiques répondant à cette exigence, je n'ai retenu que
celles qui présentaient une articulation des deux dimensions essentielles qui,
selon Hichem Djaït, définissent l'identité des personnes. La première concerne
ce qu'il appelle « l'identité profonde ». C'est l'identité au sens
objectif du terme pourrait-on dire. Elle se prouve grâce à un travail d'identification
visant à dégager les traits pertinents qui définissent une personne à la fois
comme un et comme unique. La deuxième dimension concerne « l'identité de
soi ». Elle concerne la forme pronominale de l'identification, au sens où
l'individu s'identifie à une image de lui-même qui suppose une continuité dans
le temps, une mémoire, bref la présence de son passé dans son présent. C'est la
dimension subjective de l'identité, qui met en jeu à la fois des éléments
conscients et inconscients
C'est sans doute parce qu'il était
parmi les premiers à avoir explicitement défi la Tunisie comme une « personne »
que Hassan Hosni Abdelwahab a réussi, pour la première fois, à intégrer les
principaux éléments qui composent l'identité personnelle dans sa définition de
la nation. Je me limiterai ici à l'analyse des deux premiers livres (Antiquité/
Moyen-Âge) de la volumineuse série intitulée « Histoire de la Tunisie »
publiée dans les années 1960.
Dans cette série, des noms comme Ammar
Mahjoubi, Mohamed Talbi, Hédi Slim, Hichem Djaït, tous des historiens de
renom, commencent par explorer l’historicité de « l'identité tunisienne »
en partant à la découverte des différents éléments historiques de la Tunisie
antique et médiévale. Ce qui leurs permet, chemin faisant, de dégager les
caractères originaux de la « personnalité tunisienne ». Selon cette
méthode, la nation tunisienne existait depuis l’Antiquité parce qu'elle a
conscience de son passé.
Cette lecture du passé tunisien semble à première vue anachronique. Néanmoins, cette lecture rapide du fond de ces textes tourne le dos au contexte de la rédaction de ces textes.
Cette lecture du passé tunisien semble à première vue anachronique. Néanmoins, cette lecture rapide du fond de ces textes tourne le dos au contexte de la rédaction de ces textes.
La réflexion de nos historiens sur l’historicité
de l'identité tunisienne est à bien des égards fondatrice. Les générations
ultérieures d'historiens ne pourront plus aborder cette question sans y faire
référence. L’enjeu de cette méthode historiographique était de donner une
profondeur historique à la jeune nation tunisienne. À cela s'ajoute une nouvelle une
vision politique qui voulait, dans le début des années 1960, élaborer une vision historique qui accompagne le processus de la construction de la République.
Ainsi, dans la construction identitaire nationale, le discours historique du début de la République fait appel à la dimension géographique de l'espace tunisien qui sert de cadre de référence, étant la seule réalité selon certains historiens-théoriciens, pour l'édifications des sentiments prouvant l'attachement à l'idée de la Nation-historique.
Ainsi, dans la construction identitaire nationale, le discours historique du début de la République fait appel à la dimension géographique de l'espace tunisien qui sert de cadre de référence, étant la seule réalité selon certains historiens-théoriciens, pour l'édifications des sentiments prouvant l'attachement à l'idée de la Nation-historique.
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