Le dialogue des convictions religieuses a-t-il aujourd’hui droit
de cité dans l’espace public ? Doit-il, pour respecter le jeu politique,
être simplement d’ordre privé ? Le dialogue interreligieux est-il
laïc ? L’expérience de faire coexister, au même temps, le rational et
l’irrationnel peut-elle contribuer à favoriser le vivre ensemble ?
Peut-on s’engager pour le vivre-ensemble sans remettre en cause les traditions ?
Souvent présentés hors des cadres
officiels, l’interreligieux et le dialogue des convictions sont pourtant un
levier efficace pour la cohésion sociale. Or cette cohésion sociale est
précisément ce que les rédacteurs de la Nostra
Aetate espéraient permettre. Dans l’esprit de cette déclaration œcuménique,
la coexistence active et le dialogue interreligieux peuvent trouver place dans
les préoccupations des sociétés modernes et postmodernes.
Mais quelques deux siècles avec le
concile du Vatican II, l’œuvre du philosophe David Hume a bien établi l'Introduction à ce dialogue. Ennemi
déclaré des préjugés et de tout raisonnement invérifiable, notre auteur a
ouvert une voie pour faire dialoguer, philosophiquement, les religions.
Étymologiquement, le mot dialogue dérive
du latin dialogus, lui-même emprunté au grec dialogos, et réfère aux entretiens
philosophiques à la manière des dialogues de Platon. Cela est bref, mais suffit
à nous mettre sur une piste intéressante car s’il est un trait essentiel des
dialogues platoniciens. C’est bien celui de l’argumentation. L’auteur échange
ou développe avec un interlocuteur des arguments pour en arriver à établir des
thèses. Une première caractérisation d’un dialogue véritable serait alors qu’il
soit un échange d’arguments en vue d’en arriver à établir une thèse, une
théorie ou même un état de fait. Tant qu’il y a échange d’arguments (et donc de
contre-arguments) qui font avancer l’état des choses ou de la discussion, le
dialogue est réel. S’il vient à stagner, à se limiter à des affirmations ou de
simples répétitions, on dira alors qu’il s’agit d’un dialogue de sourds. Armés
de cette définition, demandons-nous quel type de dialogue est possible entre les
trois grands monothéismes. Si la religion, ou plus concrètement un
individu croyant de religion juive, chrétienne, musulmane ou autre veut
s’enquérir de l’état du monde, il peut sûrement « dialoguer » tout d'abord avec lui-même,
avec les textes de sa religion, mais aussi avec les
autres croyances. C'est pourquoi le réflexe des promoteurs du dialogue consiste très
souvent à se placer de la position du « détenteur de la vérité » à celle du « chercheur
de la vérité ». Une telle posture se retrouve également dans le
comportement quotidien. Dans l'un de ses écrits, Pr. Mohamed Talbi affirme que
le dialogue interreligion doit être une quête de cohérence, si l’on veut en
arriver à une dimension plus globale et plus complexe de la réalité humaine.
Ainsi chaque religion, chaque philosophie, chaque pensée, devint un moyen pour lever
le voile sur une dimension particulière de l’expérience humaine. La capacité de
dialoguer l’Autre, qui se trouve parfois en nous, est peut être l’un des plus
beaux mystères anthropologiques. Le libre-arbitre de l’humain est d’autant plus
fascinant qu’il lui laisse le choix entre l’isolement et l’ouverture sur ce qui est le
plus beau dans pensée humaine. L’autre nous altère parfois, c’est-à-dire, et c’est un
paradoxe, qu’il nous blesse et nous enrichit en même temps, nous rend « manquants »,
« en quête ». Il nous reconnaît à la fois comme irremplaçable,
singulier et incomplet.
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