Entre le 17 janvier 2010
et le 14 janvier 2011, les jeunes étaient en premier ligne. Aujourd'hui, ils se
sentent dépossédés de "leur/notre" Révolution. En effet, après les
élections du 23 octobre 2012, on dénombre 10 députés seulement âgés de mois 30
ans sur 217 soit 4,6% de l'ensemble des députés. Quant à notre "leaders
!" politiques, ils ont rarement moins de 65 ans ! Chez les jeunes, la
défiance est généralisée envers la politique et les "politiciens"
surtout avec un contexte marqué par l’augmentation de taux de chômage chez les
jeunes diplômés. Les jeunes tunisiens très frustré, déplorent le manque d’alternatives
réelles. Certes la Révolution a fait émerger de nouvelles figures de la
jeunesse mais ces personnalité hautement médiatisées cachent une réalité moins
glorieuse ; celle d’une jeunesse encore peu représentée dans la classe
politique tunisienne postrévolutionnaire. Pire encore, les jeunes diplômés
tunisiens sont les premiers victimes de la pauvreté et de la marginalisation,
nombreux sont contraints de vivre de petits boulots ou bien d’immigrer vers le
vieux continent. D’autres choisissent de se défouler dans les stades de
football, quand certains enfin prennent la voie du « djihad » en
Syrie. Il y a comme un malaise dans cette génération, éduquée et intelligente, mais
souvent frustrée au niveau sociopolitique. Il est important en cette période de
transition en Tunisie de susciter un débat sur le rôle des jeunes dans la
société postrévolutionnaire car le malaise chez les jeunes tunisiens date d’une
dizaine d’année déjà mais les responsables de l’époque n’avaient rien pour
améliorer leur statut. Après la Révolution rien n’a changé dans la politique de
l’État envers les jeunes et la dépression des jeunes tunisiens s’exprimée par
la violence, l’agressivité et l’extrémisme. Les statistiques du ministère de l’Éducation
précisent qu’au cours de l’année scolaire 2011-2012, les enseignants ont été
victimes de près de 3000 agressions verbales et physiques, ce qui traduit une
situation d’angoisse généralisée. Actuellement et après le choix d’un nouveau chef de
gouvernement, les décideurs doivent s’engager pour maître en œuvre une stratégie
nationale pour mieux intégrer les jeunes dans la vie économique et politique
dans la Tunisie postrévolutionaire.
dimanche 15 décembre 2013
mardi 3 décembre 2013
In memoriam Ahmed Fouad Najm, "l'ambassadeur des pauvres" (1929-2013)
C’est avec
beaucoup de tristesse que nous vous faisons part du décès du grand poète
égyptien Ahmed Fouad Najim ce matin à l'âge de 84 ans à son domicile au Caire.
Célèbre pour
ses poésies révolutionnaires et ses critiques acerbes de certains leaders
politiques, Ahmed Fouad Najm, était virulents à l'égard des dictateurs arabes.
Son œuvre lui a valé de nombreuses années d'emprisonnement, plus de 18 années
de sa vie étaient derrière les barreaux. Il fut le poète des pauvres la voie
des marginaux. Il était un symbole de la lutte pour la démocratisation de la
vie politique dans le monde arabe, pour la lutte contre la corruption et
l’obscurantisme. Durant la révolte du 25 janvier 2011 en Egypte, ses poèmes
étaient récités sur l'emblématique place Tahrir par les jeunes
révolutionnaires.
Tel était
l'homme dont la disparition nous a endeuillés, un égyptien de mérite digne de
tous les hommages. Adieu Pharaon, maintenant que tu as accompli ta lourde tâche
sur terre, repose en paix.
mercredi 20 novembre 2013
La responsabilité révolutionnaire
Personne
aujourd'hui, en Tunisie, ne se risque à nier que la crise économique qui frappe
l'ensemble des secteurs stratégique du pays ne soit devenue une crise
politique. Les derniers sondages d'opinion confirment l'approfondissement du
fossé entre les populations et le système politique mis en place et envers les
partis et la représentation politique. Ce doute structurel sur
l'efficacité des institutions postrévolutionnaire, sur leur capacité à faire
face aux désordres du terrorisme et à la complexité des problèmes est amplifié
par la crise d'un gouvernement défaillant. Cette crise du politique prend des
formes et des caractéristiques propres aux situations concrètes et aux
héritages historiques, culturelles et bien sûre à la construction de l'Etat Tunisien
postrévolutionnaire. Dans le même temps, elle pose des questions de portée
générale, totalement inédites. Les confrontations d'idées sur ces réalités ne
sont pas des jeux de l'esprit : elles ont des implications sur les pratiques.
Actuellement, nous avons besoin d'une stratégie nationale pour faire pression
sur les politiciens dont le but de trouver des solutions à notre quotidien afin
de réaliser les objectifs de la Révolution de la dignité.
samedi 19 octobre 2013
Vers une stratégie nationale contre le terrorisme
Les
terribles événements qu'a connus la Tunisie, durant cette semaine, ont attiré
les attentions du monde entier sur le problème capital du traitement
de l'État tunisien postrévolutionnaire avec les mouvements violents et
terroristes. Depuis presque deux ans, la société civile a immédiatement pris
conscience que les agressions perpétrées à l’encontre de l'État constituent un
danger réel sur la transition démocratique en Tunisie. Le 17 octobre 2013, nous avons eu
l’occasion tragique de voir des images qui, sans besoin d’autres explications,
prouvaient que le terrorisme est la négation de la démocratie. Car la
démocratie est le système qui permet de confronter librement toutes les idées
avec les seules armes de la parole et de la raison. Le 17 octobre 2013
nous a appris encore que le terroriste ne cherche pas à convaincre par des
raisonnements, et que l’essence du terrorisme n’est pas seulement la négation
de la parole de l’autre, mais surtout la destruction physique de l’adversaire.
Et en réfléchissant sur les attaques contre les gendarmes à Goubellat, il est apparu à
l’évidence que les terroristes considèrent comme leur adversaire quiconque ne
les soutient pas expressément et sans condition. La sauvagerie de ces attentats
et les images dramatiques que nous avons tous pu voir ont bouleversé les
consciences de tous les citoyens tunisiens et nous ont tous obligés à réfléchir
sur la manière dont nous pouvons affronter la menace terroriste. Le
développement d’une politique ou d’une stratégie nationale contre le terrorisme
doit être effectué dans un cadre multidisciplinaire. Ainsi, la solidarité de la
société et la coopération des institutions concernées doivent être une attitude de fond, située au cœur de la nouvelle stratégie sécuritaire. C'est pourquoi les actions de prévention citoyenne sont un outil
important dans le cadre la lutte contre le terrorisme mais ils restent insuffisants
au niveau stratégique. L’État tunisien postrévolutionnaire doit se doter de
nouveaux instruments méthodologique, juridique et technique pour faire face à ce danger et pour pouvoir réussir la transition démocratique.
samedi 28 septembre 2013
Le printemps arabe face au volcan de l’intégrisme
Mohamed Brahmi a été assassiné devant chez lui, le 25 juillet 2013, pour
avoir voulu s’exprimer librement dans sa Tunisie postrévolutionnaire. Il a été
tué au nom de l’intégrisme et par des intégristes. Des fanatiques religieux qui
n’ont rien à voir avec la religion, la vraie, la pure, la tolérante. Il s’agissait de quelques excités, marginaux
dont on aura vite fait de se débarrasser afin de permettre à la révolution de
suivre son chemin : c’était le discours officiel dominant après la
tragique disparition de député. On a même essayé, au niveau des autorités
locales et pendant un bref moment, d’amorcer une opération de manipulation mais
cela n’a duré qu’une brève période car 24 heures plus tard, lorsqu’il a fallu
tenir le meeting de protestation contre la montée de l’intégrisme, le pouvoir a
encore montré son vrai visage et ses troupes d’élite qui appartiennent à la ligue
de protection de la révolution ont une fois de plus fait leur petite
démonstration. Avec le recul, il
apparaît que le problème de la montée de l’intégrisme dans la Tunisie
postrévolutionnaire est dû à la politique suivie par la Troïka depuis plus de deux
ans. En effet, les islamistes se sont efforcés de « resocialiser » l’espace
publique. En Tunisie comme en Égypte, c’est le clergé intégriste, souvent
soutenu par des jeunes de bas niveau, qui va assurer ce travail de resocialisation à partir
des mosquées ou encore à travers le travail associatif. Tout cela se fait
dans une ambiance de « puritanisme » qui souligne
« l’hérésie » supposée de la société ! L’analyse conceptuelle prouve que les
islamistes s’appuient sur une religiosité populaire mal encadrée ce qui ouvre
la voix devant des anciens délinquants pour se faire imâms bénévoles dans les
mosquées mal desservies. Ainsi, les frontières se brouillent entre un bas
clergé habituellement coopté par les communautés de base et les intégristes
devenus maîtres autoproclamé qui
investissent l’espace public délaissés par l’État. Néanmoins, la réaction des intellectuels face à la montée de l’intégrisme a démontré que la lame ne réussit pas à faire taire la plume. Il y va de la
survie de tout un peuple qui refuse le diktat de l’intégrisme. Grâce à un
peuple qui continue à fonctionner au quotidien, les intégristes seront exclus
de l’espace publique dans le but de réaliser le rêve révolutionnaire à savoir une société démocratique, tolérante et plurielle.
lundi 26 août 2013
Le printemps arabe : Lecture du rapport entre politique et religion
Le printemps arabe a commencé le traitement d’une
des questions les plus délicates et les plus controversées de la pensée arabe
contemporaine à savoir la relation entre religion et politique. Cette
thématique pourrait laisser entendre que le mouvement révolutionnaire pense
la politique à partir de la tradition, par exemple sous la forme du transfert
de concepts théologiques vers le fait politique ou de la nationalisation, voire
de la naturalisation, d’une doctrine religieuse. Tel n'est évidemment pas
le cas parce qu'une telle équation serait irréalise. En revanche, les deux
exemples tunisien et égyptien entretiennent une discussion permanente avec la religion
en tant qu’elle s’immisce dans la vie politique à travers le patrimoine
historique des deux pays mais il semble approprié de noter que le fait
religieux été totalement absent au début du mouvement révolutionnaire car les événements
de mobilisations citoyenne étaient essentiellement d’ordre sociopolitique en
Tunisie comme en Egypte. Par la suite, on assiste, petite à petit, à la
réapparition d’un discours politique de type historico-religieux qui devint
omniprésent dans le nouveau contexte transitionnel. Les récents affrontements
en Egypte et la crise politique en Tunisie sont des événements qui nous
rappellent toutes les difficultés de la cohabitation des idéologies différentes
dans le même espace politique. Néanmoins, le fait révolutionnaire nous parle
d’un processus consensuel par lequel on reconnait aux citoyens leurs dignités,
leurs libertés et leurs droits inaliénables, y compris la liberté religieuse.
Donc, est ce qu’il est possible que la démocratie cohabite avec des principes,
des valeurs et des pratiques religieuses qui imposent des limites à la liberté
des citoyens ? Et quelle est l’autorité qui impose ces limites ? En plus, y
a-t-il une réelle limite à la liberté dans un système démocratique ? Le cas
tunisien est un cas particulièrement pertinent pour chercher de donner des
réponses à ces questions. On utilisant la lexicométrie, on peut procéder par
comptage de mots à faire ressortir les spécificités du vocabulaire employé par
les acteurs politiques. Issue de la théorie du langage, cette méthode
ambitionne plutôt de comprendre la façon dont se construit le sens des
discours. Elle offre à cet égard toute une batterie d’instruments pour en
dégager les logiques propres. Maintenant, si on écoute les discours des
politiciens, il est facile d’identifier des références à la tradition. Au-delà
des expressions très communes comme la « Basmala » avant de commencer une allocution politique, on peut
dire que les discours officiels sont plein de références religieuses qui sont
part de la culture tunisienne et qui ne font pas allusion seulement à une
interprétation religieuse, mais aussi à une culture et une éthique nationale : c’est
ce qu’on peut définir comme « la
nouvelle idéologie civile ». Cette idéologie est un instrument
de cohésion sociale, et ses dogmes doivent être simples, en petit nombre,
énoncés avec précision, sans explications ni commentaires.
Pendant ces deux dernières années, des spécialistes
de grande envergure ont souligné que la religion est devenue un motif
central dans la définition de la vie politique arabe postrévolutionnaire.
Beaucoup d’analystes ont saisi la transformation
culturelle de la société arabe, dans lesquelles l’élection du président Morsi
fut le résultat d’un processus qui se développe selon une logique qui rassemble
deux vecteurs : elle est au même temps mimétique
parce que ses structures porteuses dérivent d’une mentalité classique, et syncrétique puisque, dans l'absence
d'organes impliqués dans la préservation dogmatique, elle met en branle des
mécanismes de métissage et de réinvention de la tradition, en fonction de la
construction d’une identité collective. Les critiques ont été nombreuses.
Néanmoins, il ne faut pas croire qu’on puisse définir la dimension religieuse
de la politique par l’absence d’institutionnalisations mais ce que beaucoup ne
semble pas saisir, c’est que la religion civile est une conditio sine qua
non de l’être arabe, parce qu’elle est l’un des fruits du processus
historique, en aucune façon en contradiction avec la sphère politique, culturelle,
morale et civique. Mais quel est la nature du rapport entre tradition et modernité dans le système politique du monde arabe postrévolutionnaire ?
Et encore une fois, quelle est la relation entre le religieux et l'action politique?
Nous voici plongés par la force des choses dans l’épaisseur de trois ans
d’expérience révolutionnaire, par quoi on appréhende la formation d’une
nouvelle culture politique. L’islamisme politique, sous sa forme actuelle,
s’affirme plutôt comme un mouvement revendicatif face à un rationalisme qui
allait, à leurs yeux trop loin. La grande question maintenant est de savoir
comment peut-on formuler une nouvelle « équation » démocratique qui
respecte la différence dans des sociétés fortement marqué par le fait
religieux.
jeudi 22 août 2013
Le printemps arabe : Vers une pensée alternative
Le «
printemps arabe » inauguré par la déroute du dictateur tunisien, chassé le 14
janvier 2011 au terme de vingt-trois années de pouvoir, a fait très inopinément
entrevoir la fin d’un long hiver autoritariste arabe. Directement en Égypte, en
Libye et au Yémen, mais également par réaction ou par anticipation, au Bahreïn,
au Maroc et en Syrie notamment, la vague de contestation affecte la plus part
des régimes de la région. Une telle sortie de l’autoritarisme avait été souvent
entre aperçue, régulièrement annoncée, mais autant de fois différée. En
Occident, l’image d’un monde arabe passif et culturellement inconciliable avec
les aspirations démocratiques du reste de la planète est d’ores et déjà
profondément transformée. Au début 2011, la Tunisie puis l’Égypte ont connu
d’abord un épisode de mobilisation protestataire où la pression populaire a poussé
le titulaire du pouvoir à quitter « son trône ». Dans les deux cas, le
processus n’a été mené à son terme que parce que l’armée a considéré, sans
nécessairement être acquise à l’agenda des protestataires, qu’elle n’avait plus
rien à gagner à défendre un leader trop
unanimement discrédité. Cet épisode libératoire a ouvert la porte à un
changement politique dont l’ampleur ne sera toutefois perceptible qu’au terme
des deux étapes suivantes, dont le destin n’était pas encore scellé à l’été
2011. Cet épisode fondateur, symbolisé dans le cas égyptien par la dénomination
de la place cairote (Tahrir), a
toutefois laissé à tous les niveaux de l’État un personnel politique intimement
lié au régime dont seul le titulaire suprême a été déchu. Entre la
contre-révolution et la soumission au catalogue entier des revendications de la
rue, les anciens politiciens se trouvent en situation de prendre la mesure de leur marge d’action,
de déterminer l’étendue des concessions qu’ils doivent faire aux
protestataires, aux idées et aux énergies qu’ils ont libérées, sauf à voir la
rue se remobiliser en exigeant cette fois leur complète éviction. L’heure est à
des réformes de structure sur le terrain de l’ingénierie constitutionnelle et
électorale, puisqu’ils sont contraints de préparer les conditions d’une
possible redistribution, fut-elle à leur détriment, des cartes politiques. Dans
un troisième temps, à partir de l’été 2011, des « enchères électorales »
devaient redistribuer leur pouvoir passé et ils se promettaient de tout faire
pour l’y récupérer, directement ou s’ils étaient, comme en Tunisie, interdit de
candidature, par alliés interposés, dès les premiers scrutins. Entre-temps,
avec leurs alliances, ils devaient rénover les instruments de leur
communication et s’efforcer de survivre à l’éviction de leur chef. Cette
période n’était pas à l’abri d’interférences extérieures. Cette période de
redistribution des cartes était logiquement propice à des provocations et à des
manipulations, notamment de la part des anciens titulaires du pouvoir désireux
de crédibiliser la rhétorique du « après nous le chaos » et d’agiter, pour ce
faire, le spectre du désordre économique ou de l’intolérance, confessionnelle
ou ethnique. L’enquête sur l’attentat du 31 décembre 2010 contre une église
copte d’Alexandrie, qui a fait vingt-trois morts et une centaine de blessés, a
pointé d’autres coupables que les « intégristes musulmans », à rechercher plutôt
du côté de l’ancien ministère de l’Intérieur. Dans un tout autre registre, en
Tunisie, les empoignades autour de la fixation de la date des prochaines élections
n’ont pas été exemptes de manœuvre des divers acteurs, bien loin de la
transparence recherchée. Néanmoins, la
seule manière de faire avancer le « printemps arabe » consiste à s’opposer
à la fois à la position hypocrite et à la répression. Les jeunes révolutionnaires
ont besoin de soutien. La lutte actuelle est d’ordre socio-politique, intellectuel
et civique. Il s’agit d’une lutte continue qui exigera la vigilance afin de
réaliser les objectifs de la révolution.
mardi 13 août 2013
La Tunisie et les responsabilités révolutionnaires
On
estime couramment que nous vivons une période historique durant laquelle le
mouvement révolutionnaire tunisien se reconnaît à certains principes essentiels
et à un ensemble d'institutions et de pratiques par lesquels passe la
réalisation de ses objectifs. Son point de départ est la dignité citoyenne, cependant,
la « révolution du jasmin »
a aussi une orientation et une conception spécifique du citoyen, non seulement
comme ayant des droits et des responsabilités, mais comme un participant actif
aux décisions politiques qui ont une incidence directe sur sa vie. Le fait
révolutionnaire a pour principes fondamentaux le droit du peuple d'influer sur
les décisions publiques et de contrôler les décideurs, c’est pourquoi il a pour
base éthique l'obligation de traiter toutes les personnes avec le même respect
et de leur attacher la même valeur dans la prise de ces décisions. Cet
engagement politique démontre le sérieux dont a fait preuve la culture
révolutionnaire. Néanmoins, il est singulier qu'en notre période d'universelle
curiosité, personne n'ait tenté l'étude des différentes structures de pensées
dans la Tunisie postrévolutionnaire d’une manière profonde et académique. Il y
a pourtant là un phénomène politique digne d'intérêt à plus d'un titre puisqu’il
marque fortement le processus de la transition démocratique et la destinée politique
du pays. Cette démarche nous amène à poser un nombre important de questions
clés pour comprendre la phénoménologie politico-culturelle dans la Tunisie
postrévolutionnaire :
* Qu'est-ce
que l'opinion qui règne ?
* Est-ce
bien la même, au pouvoir près, que celle qui ne règne pas ?
* Et,
sinon, quelles sont ses lois et ses tendances propres?
En
effet, pour que l'opinion publique gouverne, au sens précis du mot, qu'il y ait
démocratie, il faut qu'elle commande et pour qu’elle s’exprime de la sorte, il
faut qu'elle soit organisée, fixée et centralisée. C’est-à-dire qu’elle doit
effectuer un travail qui ne se conçoit pas sans un réseau de sociétés
incessamment occupées à élaborer, par des discussions et des correspondances,
les arrêts du « Souverain ». Dès lors, ce souverain n'est qu'une fiction
légale, bonne à toutes les tyrannies, ou, pour exister par lui-même, il a
besoin d'une armature sociale qui lui donne cohésion, conscience et verbe. Mais
est-il sûr que le peuple, ainsi organisé, reste lui-même ? Le fait de prendre
voix suppose qu'il s'organise mais peut-il s'organiser sans se soumettre par là
même à un entraînement, à un triage, à une orientation, fatale et imprévue ? Pour
l’intellectuel qui n'est ni théoricien ni adepte, la réponse ne vaut pas car le
moindre regard lui montre la démocratie et le peuple, la libre-pensée et
l'opinion, l'organe et l'être, en perpétuel conflit ; soit qu'il songe à
l'expérience intellectuelle avec son « centre » initié si réduit ou à
l'expérience politique des partis organisés en « blocs » ou en « machines », avec leur état-major de «
tireurs de ficelles » et leur « bétail à voter », ou encore à l'expérience
sociale du « terrorisme populiste », avec ses comités et ses
troupeaux d'adhérents passifs. S'il s'agit de son intelligence, le peuple devra
subir l'impulsion secrète de maîtres qu'il ignore et de politiciens qu'il méprise.
Aussi bien est-ce possible aujourd'hui de maudire les tyrans qui érigent en dogme
leur sens propre, en bien public leur ambition personnelle, ou exalter l'élite
consciente, vertueuse, qui sait élever cet intérêt particulier au niveau du
général, et assurer en elle-même par raison, et autour d'elle par force, la victoire
de la volonté citoyenne sur l'égoïsme politique ? Faut-il prendre les
circonstances comme l'effet des principes, ou l'excuse des procédés ? Autant de
jugements de valeur, de procès de tendance qui n'ajoutent rien à l'exposé
matériel des faits, et ne sont pas de notre ressort. Nous n'avons pas plus à
louer qu'à maudire les contraintes politiques : il nous suffit de la constater. La
tâche est aujourd'hui bien déterminée, sinon facile car ces paradoxes réalisés,
longtemps niés ou dissimulés, se produisent enfin au grand jour. Ils ont un
état civil en règle ; noms consacrés, d'abord : libre-pensée, individualisme, tolérance.
Ils ont même leurs patrons qui sont placés sous l'invocation de trois entités
de sens équivoque et d'origine récente, malgré leurs noms antiques : la Vérité,
la Liberté, la Justice et la Dignité.
samedi 27 juillet 2013
La Tunisie postrévolutionnaire devant l'impasse !
Le scénario se répète en Tunisie : Six mois après le
meurtre de Chokri Belaïd, le pays est à nouveau secoué par un autre assassinat
politique. Le 25 Juillet 2013, Mohamed
Brahmi, député à l'Assemblée nationale constituante et leader du Front
Populaire, a été abattu par 14 balles devant son domicile à la cité El-Ghazala,
près d’Ariana. Suivant les analyses du ministère de l’intérieur, les
similitudes portent sur la stratégie utilisée lors de l'attentat car Mohamed
Brahmi avait été tué avec la même arme que celle utilisée pour
l'assassinat, le 6 février, de Chokri Belaïd. Ce troisième assassinat politique nous amène à
poser un nombre important questions sur le rapport entre la violence et la
pratique politique dans la Tunisie postrévolutionnaire.
En effet l’assassinat de Mohamed Brahmi a plongé le pays
dans la crise la plus grave depuis plus de six mois et provoque une émotion et
une colère immenses dans la société tunisienne. Il survient à un moment
d’extrême fragilité puisque le processus transitionnel est à bout de souffle. Beaucoup
d’observateurs ont souligné le poids déterminant des facteurs structurels
lourds dans le déclenchement des violences que celles-ci soient de type
émeutières, désorganisées ou plus construites autour de mots d’ordre
idéologiques précis. Si ces moteurs de l’action semblent évidents, il demeure important
de les rappeler à l’heure où l’analyse sociologique préfère parfois insister
sur des facteurs plus interactionnistes. Les études du « Centre Témimi » ont
montré le poids déterminant des facteurs économiques ; comme le niveau de
chômage, l’habitat déshérité ou le niveau de pauvreté au sein des quartiers populaire ;
dans le déclenchement d’un nouveau comportement social basé sur la violence et
l’agressivité. Actuellement, l’examen de la question des
limites à poser à cette dégradation de l’État par la violence occupe une bonne
partie de la société civile tunisienne. Une première réponse à cette question
serait l’interdiction de la banalisation du fait politique. Ce thème est
essentiel, car il touche au centre de gravité de la Révolution Tunisienne. La
culture de la non-violence qui s’impose maintenant avec plus d’acuité nous
amène à chercher un nouveau Modus Vivendi
entre les différentes idéologies pour sortir le pays du Chaos de la violence. Certes
les chemins de cette résistance à la violence et de cette libération du
comportement violent sont difficiles, mais parce que son notre rêve est de
lancer les bases d'une Tunisie plurielle et démocratique, nous devons se
rappeler de la signification philosophique des mots de Martin Luther King qui
disait « nous devons apprendre à
vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme
des idiots ».
samedi 6 juillet 2013
La responsabilité révolutionnaire et la voix populaire
La transition démocratique est un terme imprécis, qui s’est répandu dans
le langage courant et la science politique à la fin des années 80. Il renvoie
indistinctement à différents types de processus de démocratisation : la «
transition à la démocratie » au sens strict, passage d’un régime autoritaire à
un régime démocratique, ou diverses extensions du domaine de la démocratie dans
le cadre de régimes démocratiques déjà en place. Évocateur d’une démocratie en
mouvement, il est cependant porteur de confusion et de non-dits philosophico-politiques
qui devraient inciter à l’utiliser avec prudence. Dans les décennies 1980-1990
on a vu s’écrouler les anciennes dictatures de l’autoritarisme modernisateur et
le constitutionnalisme libérale en Portugal, la Grèce, en Chili, en Argentine
et au Brésil… (Etc.). En Tunisie, le berceau du « printemps arabe »,
le monde s’extasiait devant la construction d’un processus révolutionnaire
populaire et spontané, la presse mondiale célébrait rituellement la révolution
tunisienne et le processus transitionnel tunisien. À peine trois ans, le bilan
est aujourd’hui beaucoup plus nuancé : troubles dans les régions, crises
économiques et instabilité politique ce qui obscurcie les horizons de la
Tunisie postrévolutionnaire. La théorie des dominos invoquée pour expliquer la crise
structurelle à la suite d’un tel changement paraît être fortement nuancée. Avec
le recul, ne peut-on avancer l’idée que nous sommes en train de vivre une
confusion au niveau phénoménologique. La rupture est bientôt consommée entre la
masse populaire et la classe politique. L’État tunisien postrévolutionnaire est
accusé de ne plus écouter les citoyens, de ne plus les comprendre, de ne plus
assumer les responsabilités que le peuple lui a confiées. De notre société
monte ainsi une colère, une rancœur, sourde et profonde, parce que la classe
politique semble avoir gardé le pouvoir sans avoir conservé le sens de la
responsabilité qui va avec, notamment vis-à-vis de tous ceux qui
souffrent : les chômeurs, les ouvriers, les employés, les jeunes… (Etc.)
que de plus en plus de chercheurs appellent les « invisibles » parce
que le pouvoir politique n’en parle jamais, ne s’adresse jamais à eux… Et qu’il
soit de la Troïka ou de l’opposition à
cet égard n’y change rien ! L’alternance politique semblant être devenue,
dans notre pays, une sorte de rituel vide, tellement les politiques sont
interchangeables. Bref, notre contrat social qui était à l’origine un contrat
de confiance, laisse de plus en plus la place à un constat de défiance, parce
qu’il ressemble de plus en plus à un marché de dupes !
jeudi 30 mai 2013
Le fait révolutionnaire et la mémoire
On n’est pas encore habitué à parler de la mémoire collective du fait
révolutionnaire, même par métaphore. Il semble qu’une telle faculté ne puisse
exister et durer que dans la mesure où elle est liée à un corps ou à un cerveau
individuel. Admettons cependant qu’il y ait, pour les souvenirs, deux manières
de s’organiser et qu’ils puissent tantôt se grouper autour d’une personne
définie, qui les envisage de son point de vue, et tantôt se distribuer à
l’intérieur d’une société grande ou petite, dont ils sont autant d’images
partielles. Il y aurait donc des mémoires individuelles et des mémoires
collectives. En d’autres termes, l’individu participerait à deux sortes de
mémoires ; mais, suivant qu’il participe à l’une ou à l’autre, il
adopterait deux attitudes très différentes et même contradictoire. D’une part,
c’est dans le cadre de sa personnalité, ou de sa vie personnelle, que
viendraient prendre place ses souvenirs : ceux-là mêmes qui lui sont
communs avec d’autres ne seraient envisagés par lui que sous l’aspect qui
l’intéresse en tant qu’il se distingue d’eux. D’autre part, il serait capable à
certains moments de se comporter simplement comme le membre d’un groupe qui
contribue à évoquer et entretenir des souvenirs impersonnels, dans la mesure où
ceux-ci intéressent la collectivité. C’est pourquoi nous proposons d'étudier l'utilisation du concept de tradition en
rapport avec la construction d'une mémoire collective dans les champs
littéraire, folklorique et ethnologique dans la Tunisie postrévolutionnaire.
Nous parlons de construction et de mémoire collective. Les choix du site, du plan, des matériaux, du
parti d'aménagement et d'agencement se font selon des besoins d'ordre pragmatique et symbolique. Dans l'ordre de la mémoire d'un individu, le récit de vie qui en rend compte est une construction, donc un choix, qui répond au besoin de représentation de soi. Rhétorique, il vise à persuader le destinataire que la vie du « sujet qui se raconte » a un sens, positif ou négatif. Du magma intérieur où sont enfouis souvenirs, impressions, sensations et paroles, le « sujet qui se raconte » tire les éléments dont il fera un récit, suite de transformations narratives, véritable programme narratif qui rend compte du parcours où le sujet fit l'apprentissage de ses rôles. Les contextes d'énonciation transformeront ce programme en mettant en évidence certaines séquences et en occultant les autres. L'identité du « sujet qui se raconte » est donc une présentation hiérarchisée des matériaux laissés dans la mémoire par les expériences de socialisation, tissu narratif fait de la chaîne du « moi- nous » et de la trame de « l'autre-eux ». Le « sujet qui se raconte » met aussi en scène les autres qui, tout au long de sa vie, lui ont fait prendre conscience de ce qui le distinguait. Lorsque le sujet parle, ce sont les autres en lui qui parlent ou le font parler. L'adulte qui, par tout son comportement, dit sa douleur s'adresse en réalité à ceux et celles qui lui ont autrefois fait violence. En l'écoutant, nous n'entendons souvent qu'un sourd écho de cataclysmes passés. Construire dans le champ de la mémoire est un choix, parfois conscient, le plus souvent inconscient. Le champ de la mémoire collective est-il
différent? Quel est donc « le sujet qui parle » au nom de tous ?
Au niveau des groupes d'appartenance, la mémoire microcollective
est partagée par tous et donne forme aux pratiques culturelles
coutumières, pragmatiques, symboliques et esthétiques dans lesquelles
les membres se reconnaissent et expriment leur identité. La mémoire
microcollective est donc inscrite dans les savoirs, les
savoir-vivre et les savoir-faire et s'exprime
dans les gestes de la vie quotidienne. Au niveau macrocollectif, en Tunisie
postrévolutionnaire, comme en Egypte, au Yémen ou encore en Libye, et suivant les
situations historiques, la tradition a servi de fondement
identitaire et a joué un rôle non négligeable dans la construction
d'une mémoire collective par des instances institutionnelles.
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