dimanche 8 février 2015

Les nouveaux enjeux des politiques culturelles dans la Tunisie postrévolutionnaire





La question de la culture telle qu’elle est mobilisée au sein des politiques culturelles de la Tunisie postrévolutionnaire doit être posée au pluriel. Dans l ́optique classique, la plupart des partis politiques tunisiens ont eu tendance à considérer la culture comme une valeur ayant seulement des liens avec la qualité de vie. Ainsi, les stéréotypes d’un milieu artistique fertile qui se traduit par des formes d ́habitat accueillantes, par un niveau élevé de participation aux activités sportives et récréatives reflètent la crise culturelle profonde de certaines élites de la deuxième république. Il apparaît aujourd’hui, de plus en plus clairement, que le non-développement, ou le mal-développement, de certaines régions tunisiennes ne dépend pas exclusivement de paramètres  économiques ou politiques, mais aussi de paramètres culturels.
Une culture repliée sur elle-même, très hiérarchisée et axée uniquement sur des valeurs traditionnelles, peut devenir rigide et rendre d’autant plus difficile l’adaptation à des changements profonds. Par contre, si la tradition accorde une grande place à la tolérance et au débat, ainsi qu’à la dignité de chacun et à un harmonieux vivre-ensemble, elle peut faciliter le passage à une autre forme de société, qui  trouvera pleinement sa place dans une mondialisation plus humaine et dans une société de la  connaissance respectueuse de la diversité culturelle.  Il est vrai, aussi, que les échecs de certaines politiques économiques et de certains modèles de  développement, souvent imposés par des gouvernements éloignés de la réalité vécue, ont empêché ce passage vers une culture humaniste et ouverte.  L’université peut, à ce niveau, contribuer à instaurer une culture tunisienne ouverte, plus résiliente et mieux à même de s’adapter aux  changements induits par les différentes crises (financière, économique, sociale, climatique…) auxquels nous devons faire face. Une nouvelle stratégie éducative permet donc d’instaurer un dialogue entre les différentes traditions locales, de désamorcer  les conflits idéologiques et d’aider  les citoyens à découvrir leurs talents, à prendre confiance en eux, à  se motiver et à se responsabiliser, pour pouvoir  mieux s’engager au service de la Tunisie. Il est particulièrement important de miser ici sur la jeunesse, première ressource du pays, au  cœur des nouvelles stratégies culturelles, en créant une nouvelle génération, capable d’évoluer entre  différentes cultures, de faire preuve d’imagination,  désireuse de partager et de tisser des réseaux de  coopération, tolérant les divergences d’opinion et prête à travailler de manière transparente.

lundi 2 février 2015

L'apothéose du Maître : In memoriam Claude Lepelley (1934-2015)






L’étoile de l’un des plus grands spécialistes de l’histoire antique de l’Afrique du nord, Claude Lepelley, s’est éteint ce dimanche 1er février 2015 à l’hôpital de Montreuil à la suite d’un arrêt cardiaque.   
Figure emblématique de son époque, Claude Lepelley a pu forger une œuvre de renommé internationale dont témoigne notamment L’empire romain et le christianisme (Paris, 1969), Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire (Paris, 1979-1981) et son recueil d’articles intitulé Aspect de l’Afrique Romaine : les cités, la vie rurale, le christianisme (Bari, 2001). Cette disparition brutale laisse la « communauté des africanistes » orpheline d’un maître et d’un grand connaisseur de l’histoire du Maghreb à l’époque tardo-antique.   
Historien, épigraphiste, philologue…Claude Lepelley était tout cela à la fois, mais plus encore : un enseignant d’une carrière exceptionnelle qui l’a conduit de l’université de Tunis, où il a enseigné entre 1957 et 1959, à l’université Paris X Nanterre en passant par l’université Paris-Sorbonne et l’université de Lille. En effet, le destin de ce grand savant reste paradoxal car il est l’historien français le plus cité dans les recherches historiques qui portent sur le Maghreb romain, mais il reste largement méconnu par le grand public.  Chercheur infatigable, le Professeur Claude Lepelley détestait qu’on le qualifie, qu’on le photographie ou qu’on le contraigne dans quelque identité figée. Toute sa vie, il s’est évertué à bouger, circuler, sillonner les différentes cités de l’Afrique du Nord antique du Nord au Sud et d’Est en Ouest.  Soucieux de ne rien échapper de ce qui peut contribuer à comprendre la dynamique des cités de l’Afrique du Nord, Professeur Lepelley se fait d’abord pédagogue pour préciser quelle fut la réalité historique du Maghreb ancien.  Si nous rappelons tout cela, disions-nous, c’est parce que cette disparition creusera dans le monde des historiens un vide aussi grand et aussi irremplaçable. Par sa personne, son enseignement, son œuvre, ses activités, Claude Lepelley a rayonné, au premier rang des historiens, depuis la fin des années 60 jusqu’à sa mort à l’âge de 81 ans. Il restera toujours vivant dans les cœurs de ses disciples