lundi 17 décembre 2012

Lorsque les ténèbres se dissipent




Il n’est jamais facile d’écrire l’histoire à chaud, au moment où les événements se déroulent,  alors que demeurent tant d’incertitudes pour mieux appréhender les causes directes ou indirectes du mouvement révolutionnaire qui a démarré en Tunisie et qui a inondé la plus part de la région arabe.  La Révolution Tunisienne a recouvrée de nouveau un grand espoir d’une vie meilleure, s’exprimant en lui la soif de dignité, d’égalité et de liberté. Le deuxième anniversaire de la Révolution Tunisienne  est reçu et célébré dans toute la Tunisie par une foule d’initiatives au plan local autant que national (et international), s’est prêté à une étude d’impact, comme on dit aujourd’hui, qui donne la possibilité de mesurer la mémoire (vive ou morte) de l’événement historique. La redécouverte du grand événement doit être encré dans la conscience interne des Tunisiens et c’est pourquoi  les références aux grandes dates sont d’une importance capitale pour forger une mémoire collective qui participe à la reconstruction de l’identité nationale.  Les événements qui se sont déroulés en Tunisie entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011 constituent un tournent historique dans toute la région parce qu’ils ont inaugurés une nouvelle ère et des nouveaux espoirs dans tous le monde arabe. Cette position est traduite sur le terrain lorsqu’on s’interroge sur le bilan de la Révolution. Les Tunisiens adoptent en majorité une évaluation globalement positive: la Révolution était nécessaire, et les grandes protestations devant le ministère de l’Intérieure le 14 Janvier 2011 en est le temps fort assimilés à la prise de la Bastille dans la révolution française. La Révolution  Tunisienne a ouvert la carrière de la conquête des libertés, en marche vers la démocratie moderne, vers la pluralité et vers une société civile dynamique mais elle comporte aussi sa part d’ombre comme la terreur, l’insécurité et l’inflation. En effet, après plus de 20 ans de résignations, des millions de femmes et d’hommes sont descendus dans les rues à l’appel de leur fonds intérieur et à l’appel de leur patriotisme pour briser le verrou et ouvrir le champ de l’impossible. Par conséquent, il est important d’élargir l’angle d’analyse pour intégrer le contexte régional et de ne pas s’en tenir uniquement aux spécificités locales car les démenions philosophiques et symboliques de la révolution tunisienne étaient importante de point de vue géopolitique. Les événements qui se sont déclenchés en Tunisie se sont rapidement répercutés dans toute la région et dès que les manifestations ont été couvertes par les média, on vu des manifestations similaires en Egypte, en Libye et au Yémen puis en Syrie. Il est évident que chaque pays à ses propres spécificités socio-historique mais il existe aussi des points communs comme les facteurs économiques et politiques. Le prolongement de la révolution tunisienne dans l’espace peut s’expliquer par l’arrière plan culturel de la région mais aussi par le fait que les peuples arabes ont accumulés des valeurs qui ne sont pas visibles sur l’Agora mais qui demeurent vivantes. Le destin commun est le sentiment qui fait que chaque Arabes considère que ce qui se passe sur chaque coin de la Tunisie le concerne et ce à cause de la profondeur de l’histoire mais aussi à causes de la similarité des souffrances.  Néanmoins, le « model tunisien » est caractérisé par une révolution civil et pacifique qui a réussi à ébranler la dictature mais la question vitale qui s’impose aujourd’hui est de savoir comment traduire l’idéal révolutionnaire en un fait concret qui exige un projet précis sur le plan institutionnel, politique, économique et social.        

lundi 10 décembre 2012

La déclaration Universelle des Droits de l'Homme et ses significations




La Déclaration universelle des droits de l'Homme adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par l’Assemblée Générale des Nations Unies est considérée comme une référence internationale fondamentale dans le domaine des droits de l’Homme. Sa force normative tient notamment au fait qu’en  1966 l’Assemblée Générale a adopté deux traités qui en reprennent le contenu : le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels. Ces  Pactes, assortis de mécanismes de contrôle de leur respect, ont été très largement ratifiés par les Etats-membres des Nations Unies. La Conférence internationale des droits de l’Homme tenue à Téhéran a proclamé, le 13 mai 1968, « la Déclaration universelle exprime la conception commune qu’ont les peuples du monde entier des droits inaliénables et inviolables inhérents à tous les membres de la famille humaine et constitue une obligation pour les membres de la communauté internationale ». D’autre part, certains pays, comme la France, lui ont reconnu une valeur de référence pour les juridictions suprêmes. Le juriste français René Cassin a été, avec Eléonore Roosevelt, l’un des principaux  rédacteurs de la Déclaration. La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen adoptée par la première Assemblée nationale française dans le contexte révolutionnaire, en 1789, a largement inspiré, avec les Déclarations américaines des droits (1776), les rédacteurs. René Cassin était assisté notamment de Stéphane Hessel, diplomate qui a achevé sa carrière  comme Ambassadeur de France. Des témoignages de leur participation à l’élaboration de cette norme fondamentale ont été réunis par Radio France Internationale. La Déclaration universelle a inspiré une importante activité normative et a servi de modèle, y compris en tant que première phase d’une dynamique conduisant à la rédaction de traités, à plusieurs documents analogues qui jouent un rôle essentiel dans la construction d’espaces politiques de dimension régionale. La Déclaration universelle a ainsi directement inspiré le Conseil de l’Europe, créé un an plus tard, dans la rédaction de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, traité unique en son genre puisqu’il prévoit aussi un mécanisme de surveillance de son respect de nature judiciaire et obligatoire : la Cour  européenne des droits de l’Homme. Créée peu après, la Communauté économique  européenne, intégrée à l’Union européenne en 1992, a progressivement affirmé son identité  politique, notamment par l’adoption des Déclarations du Conseil des ministres de 1986 et du Conseil Européen de 1991 sur les droits de l’Homme, qui ont précédé la rédaction de la Charte européenne des droits fondamentaux adoptée à Nice en 2000. Et d’autre part la Cour de Justice des Communautés Européennes, juridiction propre à l’Union européenne, a progressivement reconnu la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme comme faisant partie des normes s’imposant aux Etats-membres. Dans une filiation étroite avec la Déclaration universelle, l'Europe dispose donc aujourd’hui d’un ensemble de normes relatives aux droits de l’Homme dont la surveillance est assurée par des mécanismes  juridictionnels éprouvés. La Déclaration américaine des droits et devoirs de l’Homme de l’Organisation des Etats Américains de 1948 est à l’origine de la Convention interaméricaine des droits de l’Homme de 1978, assortie elle aussi d’une cour de justice chargée de vérifier son respect, mais selon un principe d’adhésion facultative des Etats. Les nations ayant le français en partage se sont dotées, quant à elles, dans le même esprit, le 3 novembre 2000, d’une Déclaration de Bamako.Les grandes conférences mondiales thématiques que l’Organisation des Nations Unies a  réunies depuis le début des années 1970 se sont, d’autre part, conclues, elles aussi, par des déclarations dont certaines ont été le prélude à l’adoption de normes internationales contraignantes importantes.
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Texte de la Déclaration universelle des droits de l’Homme

Préambule:
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux  et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde,  Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme, Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression, Considérant qu'il est essentiel d'encourager le développement de relations amicales entre nations, Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande, Considérant que les Etats Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Considérant qu'une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement, L'Assemblée générale Proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.

Article 1 :
 Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Article 2 :  
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

Article 3 :
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 4 :
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

Article 5 :  
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Article 6 :
Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.

Article 7 :
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.

Article 8 :
Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.

Article 9 :
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.

Article 10: 
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Article 11 :
a) Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
b) Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.

Article 12 :
Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
  
Article 13 :
a) Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.
b) Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Article 14 :
a) Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
b) Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Article 15 :
a) Tout individu a droit à une nationalité.
b) Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

Article 16 :
a) A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.
b) Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux.
c) La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat.

Article 17 :
a) Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété.
b) Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.

Article 18 :
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.

Article 19 :
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.

Article 20 :
a) Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.
b) Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association.

Article 21 :
a) Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis.
b) Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
c) La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

Article 22 :
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à s a dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays.

Article 23 :
a) Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
b) Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal
c) Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
d) Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

Article 24 :
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.

Article 25 :
a) Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
b) La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciale. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.

Article 26 :
a) Toute personne à droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
b) L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
c) Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

Article 27 :
a) Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
b) Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.

Article 28 :
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet.

Article 29 :
a) L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible.
b) Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.
c) Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies.

Article 30 :
 Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant, pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.

mercredi 5 décembre 2012

A la recherche du consensus




Imaginez-vous dans une forêt sans arbres, où il se dit depuis longtemps que la terre n'est plus fertile. Imaginez-vous une lumière sans l’éclat de l'arc-en-ciel, simplement nuancée de gris entre un noir profond, celui du cynisme ambiant, et un blanc émasculé, celui du fatalisme prédominant. Imaginez-vous que les citoyens sur ce sol gris ne vivent plus de la satisfaction de leurs désirs profonds, mais d'une suite de compromis avec l'autre : et le plus fort, c’est que le plus grand nombre, chacun détaché de ce qui le fonde, les ailes de ses rêves coupées par une série d'abandons, ont érigé ce compromis en qualité sociale.  Ouvrez les yeux, vous y êtes, c'est notre monde. Enfin, tel que nous l'avons intégré, pas tel qu'il est. Nos réalités sont si loin de la perfection. C'est là qu'intervient cet article, pour nous rapprocher du réel, avec la question du consensus, mais dont l'essence vient de notre profondeur commune.
Les développements actuels que connais le champ politique Tunisien, où la tendance est à la convivialité, nous amènent à nous interroger sur la nécessité du consensus politique dans la Tunisie postrévolutionnaire.  L’autonomisme de la volonté est le principe de base de toutes stratégies politiques rationnelles qui permet de sortir de l’impasse. Ce principe consiste à chercher un nouveau climat social fondé sur le compromis (tawafûq). Cette "loi morale" n’exprime donc pas autre chose que l’intérêt général du pays, c'est-à-dire le bonheur des tunisiens. Si donc, la matière de vouloir intervient comme une possibilité de sortir de cette tension socio-politique, il en résulte un nouveau contrat social fondé sur les principes de la révolution et sur la notion de la citoyenneté constructive. Ce précepte pratique implique une  condition matérielle qui ne doit être compté pour loi car elle est la loi de la volonté pure qui est la liberté qui transporte la volonté de reconstruire. Toutes matières des règles pratiques reposent sur ces conditions objectives. Dans ce contexte, il est indéniable que tout vouloir doit avoir aussi un objet qui se définie comme principe déterminent. Il est important de noter que ces derniers circonstances que vie la Tunisie nécessite un consensus qui devait peser lourdement dans la sphère politique car il apparaît déminent pour élaborer une feuille de route claire et précise pour tracer l’avenir de la Tunisie à la lumière d’une constitution garantissant un Etat civil et un régime républicain, démocratique et social.

mardi 4 décembre 2012

La sainte de Tunis: Saïda Aïcha Manoubia






Que savait-on de la vie de la Saïda Aïcha Manoubia ? Que savait-on de sa vie, de son œuvre de ses manâqib ? Ces questions sont devenues une priorité intellectuelle après le crime de la profanation de son mausolée dans la nuit du lundi au mardi 16 octobre 2012 où la Zâwiya de Saïda Manoubia était totalement ravagé par le feu.
Selon l’hagiographie de la sainte, Aïcha Manoubia est née en l’an 595 de l’Hégire (1199) dans la ville de Manouba située à quelques kilomètres au sud-ouest de la capitale de l’Ifriqiya, Tunis.  Son père le Cheïkh Abou Mousa Imran Ibn Hâj Souliamane prit un grand soin de son éducation et lui fit apprendre le Coran dès son jeune âge. Dès sa puberté, elle montra des signes d’ascétismes et de piété. Elle se consacra  à la dévotion et au filage de la laine qui était sa seule source de revenu qui le dépensait avec les nécessiteux, les pauvres et les miséreux.  On raconte que si, à la nuit tombée, un dirham lui restait encore dans les mains, elle disait : « Cette nuit, ma prière est incomplète ». Il lui arrivait de s’abstenir d’invoquer Dieu pendant des journées et quand on l’interrogeait elle répondait : « Si le cœur n’y est pas, la langue n’y peut rien ». Son immense rayonnement lui valut la vénération de ses contemporains et les maigres écrits qu’il nous reste d’elle en font également l’un des premiers chantres de l’amour divin. Dans cet âge classique du soufisme nord africain, Aïcha Manoubia explore, comme d’autres, les sentiers de cette mystique. La légende raconte qu'elle aurait dans vue dans les rues de sa ville, portant un seau dans une main et une torche dans l'autre et criant qu'elle partait éteindre les feux de l'enfer et incendier le paradis. Un passant l'arrêta et l'interrogea sur le sens de ses dires. Elle répondit que les hommes d'aujourd'hui  n'adoraient Dieu que par intérêt (la crainte de son courroux ou la récompense de ses grâces) alors que la vraie dévotion consistait à ne l'adorer que pour Lui, par pure aspiration à contempler Sa Face. Sa grande dévotion fut connue à Tunis et dans les grandes villes de l’Ifriqiya. Elle fut toute sa vie respectée et honorée par les religieux du pays jusqu’à sa mort le 21 Ragab 665 de l’hégire (17 Avril 1257) où la plupart des Ulémas de l’époque furent présents à ses funérailles.

lundi 3 décembre 2012

Manifeste philosophique de la liberté



Depuis la révolution tunisienne, il est peu de réalité aussi essentielle et aussi sujette à disputes que la liberté. Les discours qui la nient ne manquent pas et les oppressions qui la bafouent sont légion. La liberté semble semble être l’objet des discours les plus contradictoires selon les différentes idéologies politico-philosophique ce qui nous amène à poser la question suivante : Que signifie la liberté ? Les difficultés d’une définition de la notion de la liberté sont en effet nombreuses. Tout d’abord, parce que la liberté est souvent présentée comme un objet de conquête et simultanément comme une réalité inaliénable.  Tout à la fois un idéal et une réalité constructive de la citoyenneté. Pourtant, si elle est à conquérir, elle n’est pas déjà donnée ; si, en revanche, elle est inaliénable, elle est toujours là. Ces deux pôles induisent à leur tour des contradictions : si on la tient pour inaliénable, sa défense apparaît inutile et contradictoire ; si on la défend, elle peut être tenue pour une réalité fragile car elle est lié à son contexte historique.  Cette première difficulté conduit à une seconde : la définition consiste à tracer sa signification profonde. En effet, la liberté est toujours liée à la pensée humaniste. Ce lien par des luttes socio-politique contre la pensée unique et les régimes totalitaires suppose aussi un travail du sujet sur lui-même.  Les traités de Spinoza et de Malebranche qui précèdent de près de vingt ans la parution de l’ouvrage de Locke intitulé « An Essay concerning human understanding » le montre très bien. C’est dans le Livre II, de John Locke consacré à la  puissance (power), que  notre philosophe donne sa conception de la liberté : «  so far as a man has power to think or not to think, to move or not to move, according to the preference or direction of his own mind, so far is a man free… So that the idea of liberty is, the idea of power in any agent to do or forbear any particular action …». La présence des termes « force » et « puissance » dans ces définitions de la liberté atteste peut être du rôle joué à l’époque en philosophie naturelle par l’apport conceptuel des théoriciens du mouvement, de la mécanique, Huygens en particulier. Alors que chez Malebranche la liberté reste une « puissance appétitive » pour utiliser  l’expression de Saint Thomas, l’idée que s’en fait  Locke semble avoir davantage de  valeur générale. La physique et les mathématiques contemporaines, qui visent également à  l’universalité, ne font pas appel au concept de liberté en soi ; il leur arrive d’employer la terminologie « degrés de liberté » pour laquelle ils possèdent des définitions bien  formalisées dans des cadres particuliers précis. Si la liberté pure et le déterminisme absolu sont en opposition, par contre déterminisme et nécessité font bon ménage. Sur ce dernier point, sur lequel la littérature moderne abonde, et dans la perspective historique de ce paragraphe, je ne retiendrai ici  que les points de vue de philosophes importants du  Moyen Age, les philosophes persans, Avicenne (né en 958) et Al Gâzâli al Tousi (né en 1058), lequel reprend beaucoup Avicenne. Celui-ci, médecin, expérimentateur, est sans doute le meilleur des  « élèves » d’Aristote semblent avoir été, avec Aristote, les grands maîtres de la philosophie de leur époque. La citation suivante d’Avicenne, résume en partie son jugement : « Les décisions de notre volonté [dit Avicenne dans sa métaphysique] ne sont qu’après avoir pas été ; or toute chose dont l’existence a été précédée de non-existence est une chose qui a une cause ; partant, toute décision volontaire qui se produit en nous a une cause. La série de ces causes, d’ailleurs, ne remonte pas à l’infini [à l’intérieur de notre âme] ; elle aboutit à certains évènements qui sont  arrivés du dehors ; ces évènements sont terrestres ou célestes ; mais les évènements terrestres proviennent des évènements célestes ; la collection, donc, de ces évènements provient d’une manière nécessaire de la nécessité de la volonté divine.  Quant au hasard, il se produit par le concours de toutes ces choses ; lors donc que vous les aurez toutes résolues d’une manière parfaite, elles se trouveront réduites à des principes dont la nécessité descend de Dieu…Si quelqu’un des hommes pouvait connaître toutes les choses qui s’accomplissent [présentement] au ciel et sur la terre, et savoir quelles en sont les natures, il connaîtrait assurément quelles choses doivent arriver et comment elles arriveront ». Les points de vue de ce grand penseur sur la cause, la nécessité et le déterminisme ont été repris par Jean de Jaudun qui disait :  «  Il lui [Aristote] faut admettre, en effet, que tous les êtres sont nécessaires, suivant un certain mode de nécessité ; aussi a-t-il admis que  toute chose qui sera dans l’avenir adviendra d’une manière nécessaire. Toutefois, pour comprendre ce que dit Aristote, il convient de remarquer qu’il y a deux sortes de nécessités. Il y a une nécessité continue, qui est en tout temps et chaque partie du temps ». La vision de notre monde observable, telle qu’elle ressort de ces lignes, n’est guère originale. Elle est présente chez Platon pour qui  la cause et le hasard sont omniprésents. Ruinant notre pensée en notre indépendance, elle semble faire de nous des êtres assujettis. Elle donnerait alors crédit aux affirmations de bien des religions.  Il faut en examiner la principale conséquence, elle est d’ordre psychologique : nous avons tendance à rejeter cette conclusion d’assujettissement, elle nous dérange profondément ; ce qui, sur le plan intellectuel, conduit en général à l’affirmer comme inexacte, et sur le plan social, collectif, peut animer des formes de révolte.  Quelle(s) raison(s) pourrai(en)t justifier ce malaise ? Je n’en vois clairement qu’une, mais elle est de taille. L’univers dans lequel nous vivons est de nature héraclitéenne, c’est-à-dire conflictuelle. Chaque objet passe par une phase de développement expansif, et le conflit apparaît lorsque s’entrechoquent au sein du même espace les domaines attachés à deux objets distincts. La survie de chaque objet suppose donc en interne la présence de mécanismes de  transformation, d’adaptation de l’objet aux impératifs des conflits, sous leur forme présente ou pressentie. L’intime croyance en notre liberté est très probablement une forme d’expression de la subtile perception interne que nous avons de notre indispensable et présente capacité d’évolution.  Cette capacité, plus ou moins accusée, est inhérente à tout objet, qu’il soit individuel ou collectif. Elle dépend aussi en partie, dans sa force de conviction, et en ce qui nous concerne, de l’étendue de nos réserves organiques, capables de se différencier ou d’être utilisées à des fins de remplacement, de renouvellement, de substitution, d’organisations nouvelles. Le sentiment de liberté, que nous sommes maîtres de nos décisions, paraît alors être souvent une illusion positive, qui vient d’abord de ce que nous percevons un certain nombre de contraintes, internes à notre personne ou internalisées. Nous croyons être capables de les modeler, de les assujettir. Ce sont en fait ces contraintes qui nous maîtrisent car elles sont dépendantes d’un très grand nombre d’autres contraintes, exerçant leurs effets immédiatement ou avec retard, et que nous percevons peu ou pas du tout.  Par ailleurs, en sens contraire et comme je l’ai déjà mentionné, l’acteur se croit également libre du fait qu’il ne parvient pas à percevoir la totalité des contraintes qui contribuent à façonner sa décision. Nous avons aussi conscience d’une forme d’infinité dans les manières dont les contraintes peuvent peser et induire des modifications des transformations, des comportements. D’où vient que l’égalité parfaite entre deux objets quelconques est impossible ou exceptionnel. Nous avons alors aussi subtilement conscience du caractère unique, singulier, ou quasiment unique de chaque chose, de chaque objet, de chaque processus, et donc de nous-mêmes. La mise en contact permanente avec ces infinités de comportements et de singularités à tendance aussi à produire cette enivrante impression de liberté. Elle nous est enfin nécessaire pour chasser les sombres nuages qui peuvent obscurcir nos horizons, pour permettre que s’implante en notre esprit, les formes de la volonté, le désir de créer, l’ouverture à la vie, l’espoir.