jeudi 23 janvier 2014

Décret d'Ahmed Pacha Bey prescrivant l'affranchissement des esclaves en Tunisie



« Nous avons acquis l'entière certitude que la plupart des habitants de la Régence abusent des droits de propriété qu'ils ont sur les nègres et qu'ils maltraitent ces créatures inoffensives. Vous n'ignorez pas cependant que nos savants jurisconsultes ne sont pas d'accord sur la question de savoir si l'esclavage, dans lequel les races nègres sont tombées, s'appuie sur un texte formel; que la lumière de la religion a pénétré dans leur pays depuis longtemps ; que nous sommes très éloignés de l'époque où les maîtres se conformaient, dans la jouissance de leurs droits, aux prescriptions édictées par le plus Eminent des Envoyés avant sa mort ; que notre loi sacrée affranchit, de droit, l'esclave maltraité par son maître ; et que la législation a une tendance marquée vers l'extension de la liberté. En conséquence, nous avons décidé, dans l'intérêt actuel des esclaves et l'intérêt futur des maîtres, comme aussi dans le but d'empêcher les premiers de demander protection à des autorités étrangères, que des notaires seront institués à Sidi Mehrez, à Sidi Mansour et à la Zaouia Bokria pour délivrer à tout esclave qui le demandera, des lettres d'affranchissement qui nous seront présentées pour être revêtues de notre sceau. De leur côté, les magistrats du Charaâ nous devront nous ré-envoyer toutes les affaires d'esclaves dont ils seront saisis, et tous les esclaves qui s'adresseront à eux pour demander leur liberté. Ils ne permettront pas à leurs maîtres de les ramener à leur tribunal devant être un lieu de refuge inviolable pour des personnes qui fuient un esclavage dont la légalité est douteuse et contestent à leurs détenteurs des droits qu'il est impossible d'admettre dans notre royaume ; car, si l'esclavage est licité les conséquences qu'il entraîne sont contraires à la religion, et il importe de les éviter, d'autant plus qu'il s'attache à cette mesure un intérêt politique considérable ».

Tunis le 23 Janvier 1846

lundi 13 janvier 2014

La Res Publica et ses symboles : Démocratie et Droits de l'Homme




Le mot « démocratie » est dérivé d’un terme grec composé des mots demos = Peuple et kratein = gouverner, régir. Démocratie peut donc se traduire littéralement par les expressions suivantes « Gouvernement du peuple » ou « Gouvernement de la majorité ». La démocratie, en tant que forme étatique, se démarque de la monarchie, de l’oligarchie et de la dictature, c’est le « le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple » suivant la formule d’Abraham Lincoln. Pour être plus concret, on pourrait dire que, dans un système démocratique, le pouvoir vient du peuple, il est exercé par le peuple, et en vue de ses propres intérêt c’est pourquoi les droits de l’homme sont bien plus qu’une simple composante de la démocratie. Ils représentent la condition sine qua non pour le bon fonctionnement d’un système démocratique. Le développement et l’évolution des droits de l’homme ne sont possible que si les hommes vivent au sein d’une démocratie, puisque ce n’est que dans ce système que la population peut élaborer elle-même les lois qui vont la régir et contrôler publiquement les trois pouvoirs : le législatif (le pouvoir de proposer et voter des lois), l’exécutif (le pouvoir d’appliquer la loi) et le judiciaire (le pouvoir de légiférer et de promulguer la loi). Par ailleurs, les droits de l’homme ne sont efficaces que lorsque le pouvoir d’État est lié à un droit autonome et indépendant, et que tous les hommes sont traités sur le même pied d’égalité devant cette justice. De même, il est essentiel, dans les démocraties, de bien établir une séparation des pouvoirs pour que la justice soit autonome et indépendante. Il en résulte une relation triangulaire entre Démocratie, Droits de l’homme et Séparation des pouvoirs, qui représentent ainsi des éléments interdépendants. Mais, à l’issue de cette brève explication, pourrait-on déjà expliquer ce que la notion de « Droits de l’homme » veut vraiment dire ? Une définition stricte décrirait les droits de l’homme comme des droits inhérents à l’individualité de chacun en matière de protection contre toute velléité de l’État à porter atteinte contre sa personne. L’homme jouit de ces droits dès sa naissance et l’État ne peut pas les lui retirer. Ils forment la base même des relations humaines qui régissent la vie en société, que ce soit au plan international, national, local ou familial. Ils embrassent différents domaines que nous allons t’expliquer de manière succincte:

* Les droits de la personnalité individuelle forment le noyau des droits de l’homme, puisqu’ils incluent entre autres le droit à la vie et le droit au libre épanouissement de la personnalité. Grâce à ces droits, l’homme peut par exemple être protégé des attaques et manifestations de violence contre sa personne, et préserver son intégrité et sa dignité humaine.

* Les droits politiques et civils sont là pour garantir à chaque citoyen une libre participation à la vie politique de sa communauté ; ce qui signifie qu’il ou elle ne doit craindre aucune sanction non justifiée. Les droits les plus importants concernent, sur ce point, aussi bien la liberté d’opinion, la liberté de presse, la liberté de se réunir que celle de s’associer.

* En respect des droits sociaux et économiques, le minimum vital pour la survie de l’être humain doit lui être garanti. Y est inclus, entre autres, le droit à l’éducation, puisqu’il faut partir du principe que toute personne doit bénéficier d’une formation pour ne pas se retrouver affamée et sans ressource.

* Des droits relativement nouveaux ont été rajoutés à cette liste: ce sont les droits de la troisième génération. Ils sont là pour démontrer que les droits de l’homme peuvent évoluer et qu’ils ne restent pas immuables, fixés sur leur point de départ. Ils sont entre autres composés des droits au développement, qui visent la réduction du fossé qui sépare les riches des pauvres, et des droits à l’environnement qui garantissent que les espèces vitales à l’homme ne soient ni endommagées, ni détruites.

Toutes ces formules ont l’air bien sympathique, mais comment faire pour que tous ces droits soient effectivement appliqués, puisque les formules vides ne nous serviraient pas à grand-chose…

dimanche 5 janvier 2014

Le « printemps arabe » entre manipulation et utopie




La Tunisie, le Yémen, l’Égypte et la Libye sont les quatre  pays du monde arabe, pour l’instant, à être parvenus à faire leur révolution et à instaurer un régime plus ouvert. En France, en 1789, la Révolution avait mis à bas la monarchie absolue pour lui substituer une première forme de démocratie.  Pour autant, révolution et démocratie sont-elles liées ? Et qu’entend-on par démocratie ? Pour ce qui concerne la notion de démocratie, il s’agit d’une organisation politique et sociale garantissant les droits de l’homme, fonctionnant sur le principe de la séparation des pouvoirs et d’une souveraineté limitée avec des institutions gérant de manière pacifique les conflits, et reposant sur le suffrage populaire, c’est-à-dire des élections libres et régulières servant à désigner les représentants du peuple. Quant à la notion de révolution, il s’agit d’un renversement brutal de l’ordre établi en vue de la construction d’une nouvelle organisation politico-sociale. C’est la substitution soudaine d’un pouvoir à un autre. Certes, dans l’histoire se trouvent des exemples de révolutions ayant abouti à l’établissement de régimes démocratiques. Ainsi, la Révolution française a renversé ce qu’elle a elle-même appelé l’« Ancien Régime » pour reconstruire un ordre fondé sur la « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen », la séparation des pouvoirs, une Constitution et un suffrage populaire. Même si cette monarchie constitutionnelle fut un échec, il n’en reste pas moins que la Constituante a opéré, au sens exact du mot, une révolution. Pour rester en France, les Trois Glorieuses de 1830 renversèrent le roi Charles X qui aspirait à un retour à la monarchie absolue et manifestait des tendances autoritaires et portèrent sur le trône un nouveau roi, Louis-Philippe. Lequel fut contraint d’abdiquer, en 1848, par l’effet d’une autre révolution qui mit en place une république. Dans la réflexion sur la relation entre démocratie et révolution intervient donc la notion du changement puisque celle-ci est consubstantielle à l’idée de révolution. En effet, la révolution consiste en effet à détruire les structures sociales, politiques et économiques existantes et elle introduit une division manichéenne en politique selon le vieux principe « Qui n’est pas avec moi est contre moi ». Car toute personne ne prenant pas ouvertement position pour la révolution, ni même contre elle, est considérée comme n’adhérant pas au projet d’édification de l’ordre nouveau et doit donc être éliminée ! L’esprit révolutionnaire entend rompre avec le passé afin de reconstruire une société radicalement différente, donc nécessairement supérieure à l’ancienne. Le principe de départ consiste à comparer le réel avec un projet de société inexistant mais « parfait ».  L’utopie est inséparable de l’idée de révolution.  Rappelons qu’étymologiquement, utopie, composé du radical grec « topos » qui signifie « lieu » et du préfixe privatif « ou » qui désigne le « lieu de nulle part », « qui n’existe pas ». Comme l’écrivait Raymond Aron : « Le mythe de la révolution sert de refuge à la pensée utopique, il devient l’intercesseur mystérieux, imprévisible, entre le réel et l’idéal ». Pour les révolutionnaires, la fin justifie les moyens. C’est ce qui explique que le despotisme révolutionnaire dure éternellement. Dans cette optique, le processus révolutionnaire s’apparente à une route ou à un chemin nouveau menant vers l’idéal. Mais la marche est interminable car l’idéal, par définition, n’existe pas. Il est la ligne d’horizon que l’on voit au loin mais que l’on n’atteint jamais… ! Or, les révolutionnaires trouvent toujours des boucs-émissaires ou les fameux « contre-révolutionnaires » pour expliquer leur échec. Toutes les difficultés, tous les obstacles auxquels ils se heurtent sont considérés par eux comme des « ennemis » objectifs de l’idéal. En ces temps troublés marqués par l’incertitude provoquée par la crise économique et l'instabilité politique et après 3 ans d’expérience révolutionnaire on doit inciter à fuir ceux qui nous promettent la « cité de Dieu » ou encore ceux qui nous promettent le lendemain glorieux qui chantent.