lundi 2 février 2015

L'apothéose du Maître : In memoriam Claude Lepelley (1934-2015)






L’étoile de l’un des plus grands spécialistes de l’histoire antique de l’Afrique du nord, Claude Lepelley, s’est éteint ce dimanche 1er février 2015 à l’hôpital de Montreuil à la suite d’un arrêt cardiaque.   
Figure emblématique de son époque, Claude Lepelley a pu forger une œuvre de renommé internationale dont témoigne notamment L’empire romain et le christianisme (Paris, 1969), Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire (Paris, 1979-1981) et son recueil d’articles intitulé Aspect de l’Afrique Romaine : les cités, la vie rurale, le christianisme (Bari, 2001). Cette disparition brutale laisse la « communauté des africanistes » orpheline d’un maître et d’un grand connaisseur de l’histoire du Maghreb à l’époque tardo-antique.   
Historien, épigraphiste, philologue…Claude Lepelley était tout cela à la fois, mais plus encore : un enseignant d’une carrière exceptionnelle qui l’a conduit de l’université de Tunis, où il a enseigné entre 1957 et 1959, à l’université Paris X Nanterre en passant par l’université Paris-Sorbonne et l’université de Lille. En effet, le destin de ce grand savant reste paradoxal car il est l’historien français le plus cité dans les recherches historiques qui portent sur le Maghreb romain, mais il reste largement méconnu par le grand public.  Chercheur infatigable, le Professeur Claude Lepelley détestait qu’on le qualifie, qu’on le photographie ou qu’on le contraigne dans quelque identité figée. Toute sa vie, il s’est évertué à bouger, circuler, sillonner les différentes cités de l’Afrique du Nord antique du Nord au Sud et d’Est en Ouest.  Soucieux de ne rien échapper de ce qui peut contribuer à comprendre la dynamique des cités de l’Afrique du Nord, Professeur Lepelley se fait d’abord pédagogue pour préciser quelle fut la réalité historique du Maghreb ancien.  Si nous rappelons tout cela, disions-nous, c’est parce que cette disparition creusera dans le monde des historiens un vide aussi grand et aussi irremplaçable. Par sa personne, son enseignement, son œuvre, ses activités, Claude Lepelley a rayonné, au premier rang des historiens, depuis la fin des années 60 jusqu’à sa mort à l’âge de 81 ans. Il restera toujours vivant dans les cœurs de ses disciples

lundi 26 janvier 2015

Reconstruire le passé : La Tunisie postrévolutionnaire face à son Patrimoine




D’une diversité et d’une richesse remarquable, le patrimoine tunisien est un important facteur d’identité et un élément précieux de notre cadre de vie, mais sous la multiplication récente des formes de patrimoine, subsiste une remarquable constance de cette notion. Qu’est ce en effet que le patrimoine ? L’étymologie (patrimonium, ensemble des biens appartenant au père) et toutes les définitions classiques le rattachent à l’héritage mot qui sert d’ailleurs à le traduire en anglais. Dans ces définitions, le patrimoine est ce qui se transmet d’une génération à l’autre. Dans notre société errante, que ne cessent de transformer la mouvance et l’ubiquité de son passé, le patrimoine historique est devenu un des maîtres mots de la tribu médiatique postrévolutionnaire. En effet, le transfert sémantique subi par le mot depuis l’indépendance jusqu’aux nos jours signale l’opacité de la chose. Ainsi, le patrimoine historique et les conduites qui y sont associée se trouvent pris dans des strates de significations dont les ambiguïtés et les contradictions articulent et désarticulent deux mondes et deux visions du monde. Le culte rendu aujourd’hui au patrimoine historique appelle donc mieux qu’un constat de satisfaction.  Depuis plus de quatre ans, la mise en œuvre des politiques publiques du patrimoine se réalise par des instruments normatifs qui traduisent leur appréhension et leur saisie par le droit. Les différents outils institutionnels, conventionnels, législatifs et réglementaires contribuent dans une large mesure à la conservation et la valorisation du patrimoine nationale. La protection concerne bien le patrimoine matériel (sites archéologiques, musées, expositions…) et le patrimoine immatériel (musique et chant traditionnelle, artisanat tunisien…) . La nature et le contenu des dispositifs de protection, qu’elle soit mise en œuvre aux niveaux national ou régional procèdent de paramètres et se réfèrent à des objectifs divers mais convergents, parmi lesquelles les problématiques identitaire et patrimoniale occupent une place souvent déterminante. Elle doit en outre prendre en compte la spécificité des milieux comme des sociétés, et la relation des populations et des communautés à leur patrimoine, aussi bien reçu que construit. Le droit tunisien s’est intéressé tardivement à la protection du patrimoine et à sa conservation, à travers une démarche formelle qui ne s’est que progressivement distinguée des disciplines juridiques classiques, pour finir par s’en démarquer, tout en demeurant largement en relation avec celles-ci. La saisie par le droit des questions patrimoniale, dans leurs dimensions culturelle et scientifique, et la formulation normative des réponses à y apporter ont fait écho au souci de concevoir et de mettre en œuvre des instruments aptes à satisfaire à des objectifs de protection. Ceux-ci doivent être à appréhendés et interprétés par référence à une vision sociétale du patrimoine, et répondre aux données socioculturelles de sa perception par les populations comme par les institutions spécialisées. La construction diachronique d’une protection juridique pertinente, en termes de durabilité notamment, va progressivement conduit le droit positif à prendre en compte l’ensemble du patrimoine national.

dimanche 28 décembre 2014

L'autre alternative politique de la Tunisie postrévolutionnaire






Depuis la chute de la dictature en 2011, l’organisation d’élection libre et plurielle est perçue par tunisiennes et les tunisiens comme un signe de vitalité démocratique surtout quand cette élection favorise l’alternance au pouvoir. Néanmoins, il ne faut pas croire que la chute d’une dictature signifiera l’apparition immédiate d’une société idéale puisque la désintégration de la dictature n’est qu’un point de départ, une condition sine qua non à l’approfondissement et l’enracinement de la démocratie dans la pratique politique. Des efforts à long terme permettront d’améliorer ce modèle tunisien pour faire face aux besoins des citoyens. Pendant de longues  années, de sérieux problèmes politiques, économiques et  sociaux continueront à se poser et leur résolution exigera la coopération des politiciens avec l’intelligentsia. Ainsi, les prochains gouvernements se trouveront ainsi devant l’obligation de fournir des opportunités à des gens ayant différents points de vue et souhaitant poursuivre un travail constructif par des politiques de développement qui répondent aux problèmes du futur.  Il existe certaines façons d’empêcher un retour vers l’arrière ou une réinstallation de l’ancienne doctrine politique. Connaître à l’avance la capacité de défense de la population peut parfois être suffisant pour dissuader toute tentative. Le premier principe de la défense de cette mentalité est donc de refuser le retour aux anciennes pratiques. En effet, il est très difficile pour les citoyens de s’engager dans les affaires de la Cité s’ils ne sont pas conscients de ce qu’être citoyen veut dire. C’est cette éducation à la citoyenneté qui leur permettra de participer efficacement à la protection et à la promotion de la démocratie. Ainsi, il revient aux pouvoirs publics de favoriser l’éducation des citoyens. Cette éducation doit être débarrassée de tout contenu idéologique. Car, c’est après avoir reçu une éducation citoyenne solide que les citoyens peuvent choisir rationnellement de s’engager dans la « société politique » ou plutôt de rester dans la « société civile ». Il en ressort que, pour la vitalité démocratique, l’information et la formation du citoyen sont des éléments indispensables. Les collectivités publiques doivent aider les citoyens à exercer ces droits, ce qui donnera une meilleure crédibilité à l’élection. Car quel sens donner au vote si les citoyens ne sont pas conscients de l’enjeu de cet acte ?