mercredi 27 août 2014

Combien ça coûte ? L'argent et la politique dans la Tunisie postrévolutionnaire



Il est d’usage de dire que le développement de l’esprit démocratique dans telle ou telle société dépend du bon fonctionnement de l’esprit pluraliste. Mais qui dit démocratie dit aussi partis politiques. Or, ces centaines de partis tunisiens ne sont pas encore capables d’assumer leurs fonctions d’éducation politique, de mobilisation et de représentation d’intérêts divers. Trois ans après de la chute de l’Ancien Régime, l’expérience politique tunisienne a démontré que les partis de l’opposition et/ou celles du pouvoir n’apparaissent que lors des défis élections. Le manque de fonds publics et les limites à la levée de capitaux mettent les nouvelles formations politiques tunisiennes à la merci de quelques personnes fortunées pour le financement de leurs activités et de leurs campagnes.  Des « scandales », dont les médias se sont largement fait l’écho, ont ouvert les yeux de l’opinion publique sur le problème du financement illicite de quelques formations politiques et sur le lien entre ce phénomène et celui de la corruption. Ces scandales, s’ils n’ont pas sapé l’importance des partis politiques en tant que piliers de la démocratie représentative, ont toutefois mis en évidence que des règles claires et des comptes transparents sont deux éléments clés pour restaurer ou préserver la confiance des citoyens dans le fait politique. En effet, nul ne nie l’importance de l’argent en politique, les partis ayant besoin de toujours plus de ressources pour le financement de leur fonctionnement au quotidien et des campagnes électorales. Pour autant, l’argent ne devrait pas servir à acheter l’accès au pouvoir de décision. Donc comment faire pour sanctionner les dons illicites et prévenir le trafic d’influence ? L’État devrait-il imposer des limites aux dons effectués par le milieu des affaires ? Les partis devraient-ils recevoir un financement public ? Les dépenses de campagnes devraient-elles être plafonnées aux termes de la loi ? Ces questions, posées quotidiennement sur le Forum public, montre le degré de la préoccupation de la société civile tunisienne par la montée en puissance de l’argent politique qui peut influencer les décisions politiques par le biais de moyens financiers mal identifiés. Beaucoup d’analystes ont remarqué que la forme traditionnelle de financement des partis tunisiens, à savoir le recours exclusif ou quasi exclusif aux cotisations des membres, n’est plus viable pour la plupart de ces formations politiques. Mais les autres moyens de financement privés, qu’ils soient internes ou externes au parti, ne sont pas sans poser de problèmes. Le versement par les membres de l'ANC à leur parti de cotisations déduites de leurs indemnités peut constituer une forme déguisée de financement public difficilement conciliable avec l’indépendance dont ils sont censés faire preuve dans l’exercice de leur mandat, du moins lorsque ces versements ont un caractère obligatoire. Avec les autres sources de financement privées, tels les dons, apparaît le risque que le don d’argent soit lié à des décisions politiques particulières. Le seul soupçon d’abus dans ce domaine peut saper la confiance de la population dans le système politique et ses acteurs, et mettre en danger la démocratie.  Accroître la part du financement public limite l’influence potentielle des particuliers ou des entreprises privées, mais augmente également la dépendance des partis à l’égard de l’État. À trop s’en remettre à l’argent public, les partis politiques risqueraient de perdre de vue les intérêts de ceux qu’ils représentent. En outre, en cas de financement public, il faut veiller à assurer l’égalité des chances, y compris pour les « petits »mouvements politiques. La solution idéale réside sans doute dans un savant dosage des différentes sources de revenu, notamment des financements privés et publics. Assurément, il faudrait limiter strictement certaines sources ainsi que le montant des dons privés, et subordonner l’allocation des financements de l’État à un audit externe des comptes des partis politiques par des organismes agréés mais au même temps, il faut assurer une totale transparence du financement des partis politiques afin d’éviter toute influence potentiellement peu souhaitable de l’argent sur les partis et la politique. Et quel que soit le système de financement des partis, il ne sera efficace que s’il est assorti de mécanismes de contrôle bien définis et de sanctions dissuasives en cas de manquement. Les organes de contrôle devraient être composés de personnalités indépendantes et dotés de moyens suffisants pour mener à bien la réussite de la transition démocratique. 

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